PARIS (MPE-Média) – Rédigé d’une façon jugée critique et opaque par une partie non négligeable des acteurs dont la Fédération des Entreprises du Recyclage et Les Entrepreneurs de la filière Déchet, le plan « Recyclage et matériaux verts » présenté ce 9 juillet par plusieurs ministères dont Bercy n’a pas fait l’unanimité sur le plan de la méthode. Précisions.
Validé in extremis par la Fédération des Entreprises du Recyclage (FEDEREC), le plan étatique Recyclage et Matériaux verts prévoit de soutenir 111 projets de centres de tri ou de valorisation des déchets dont 23 jugés prioritaires, 18 qui concernent le recyclage des plastiques et 12 le recyclage des déchets du BTP, financés à l’aide de 785 Millions d’euros d’investissements devant permettre de créer 1.650 emplois à la clé, annonce le communiqué interministériel rendu public le 9 juillet après quelques mois d’élaboration sous la direction du PDG de Véolia Antoine Frérot.
Ce plan Recyclage Matériaux Verts dirigé par Antoine Frérot, PDG de Veolia, compte parmi les 34 plans « de la nouvelle France industrielle en ordre de marche » selon le titre du document publié hier par Bercy et qui a dû être modifié in extremis mardi soir à la demande expresse des représentants de la majorité des acteurs et entrepreneurs du secteur du Recyclage, FEDEREC et les Entrepreneurs du Déchet en tête, opposés à Véolia et SITA du côté desquels s’était rangée la Fédération Nationale du Déchet (FNADE) dont le Président Michel Valache est aussi l’un des dirigeants de Véolia.
« Nous ne pouvons pas accepter un plan qui subventionne des installations d’une partie des acteurs alors que nous les avons créé sans aucune aide voici plus de vingt ans pour certains d’entre nous. La transparence n’a pas été le fort de ce qui s’est passé depuis près de vingt mois », a déclaré hier Jean-Luc Petithuguenin, le PDG de Paprec Group, l’un des principaux adhérents de FEDEREC, s’exprimant en présence du Pdt de FEDEREC Jean-Philippe Carpentier et du Président des Entrepreneurs du Déchet Jean-Louis Chemin, face à la presse spécialisée.
« Nous sommes sortis du bois pour demander aux ministères plus d’équité et de transparence car la façon dont le PDG de Véolia a mené la concertation – ou ne l’a pas pratiquée NDLR à bien comprendre ces propos – a exaspéré les gens », poursuit la même source.
« Nous avons demandé à Bercy et au MEDDE une méthode au service de tout le monde, car nous ne voulons pas que ce soient nos concurrents qui examinent nos projets mais des tiers neutres désignés par les services de l’Etat », ajoute le PDG de Paprec.
La feuille de route définie par les acteurs et les ministères concernés (source Bercy)
Senior Vice-Pdt de COVED, autre major française du recyclage, Sylvain Joannon parle « d’un trouble au sein de la profession, le Syndicat National des Activités du Déchet n’ayant pas été informé de la préparation de cette feuille de route : les choix initiaux avant l’amendement de ce mardi risquaient de donner tout le marché à Véolia et à Sita. Il faut que les choses se fassent de façon concertée, négociée, y compris sur le plan régional », renchérit-il, dans le souci de « soutenir la concurrence, pas la réduire ».
Du coup, Bercy a fait le choix d’un haut fonctionnaire, Mme Agnès Lemarchand, pour réfléchir avec les acteurs sur ces questions et examiner par la suite au cas par cas les projets pouvant bénéficier des aides étatiques.
"Nous voulions un plan équitable"
« La feuille de route devant être présentée au Président Hollande pour les déchets nous agrée mais nous voulions un plan équitable qui serve la profession du recyclage pour ses besoins collectifs et non pour des besoins particuliers », a déclaré le Pdt de FEDEREC Jean-Philippe Carpentier le 9 juillet, jour de la remise du plan à l’Elysée, au lendemain des ultimes modifications effectuées à la demande de sa Fédération.
Trois points jugés bloquants ont été levés ou modérés in extremis le 8 juillet au soir :
- La nouvelle feuille de route intègre finalement une possibilité d’agir sur l’assiette de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) ou sur son taux pour respecter la clause d’isofiscalité ;
- 50 à 60 centres de tri devaient être subventionnés, cela a été modifié en 50 à 60 projets porteurs d’emplois, les investissements pouvant être le fait du privé et permettre aussi d’initier de nouveaux projets comme le retraitement des plastiques bromés issus des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), le recyclage des fibres de carbone, de certaines catégories de plastiques ;
- FEDEREC, non conviée à participer à l’origine de l’élaboration du plan Recyclage et Matériaux Verts a fini par obtenir la co-présidence du plan de suivi industriel du programme de recherche et développement « déchets et innovation », son objectif étant de pouvoir intégrer des centres techniques existants pour y faire entrer les questions liées au recyclage.
La question de la réduction de l’enfouissement des déchets initialement posée d’une façon jugée opaque par ces acteurs – 80 à 90% des volumes étant traités par Veolia ou par SITA – a provoqué l’ire de l’association des Entrepreneurs de la filière déchets, dont le Président Jean-Louis Chemin pense qu’il est « important de savoir comment les baisses de tonnages enfouis vont être réparties : si on baisse de 50% pour les gros comme pour les petits acteurs, c’est la mort assurée pour ces derniers », s’indigne-t-il.
« Ce n’est pas bon d’être obligé de passer sous les fourches caudines des plus gros , surtout lorsqu’on sait que lorsqu’on recycle, on recycle 80% des déchets et il reste toujours près de 20% des volumes à enfouir ou à traiter en combustibles solides de récupération (cSr)», explique le PDG de Paprec, qui précise que 600.000 tonnes de cSr sont produites chaque année en France par plusieurs acteurs et intégrées ensuite comme source d’énergie par des entreprises et des collectivités.
On le voit, le monde du recyclage a frôlé de près l’impasse à l’occasion de la sortie de ce nouveau plan vert.
« Il ne faut pas oublier lorsqu’on se lance dans une écriture législative qu’il faut préserver un peu de stabilité dans les secteurs concernés. Par exemple, la filière photovoltaïque a été brisée en France par un revirement du gouvernement qui a coûté cher aux investisseurs », fait remarquer Dominique Maguin, Président d’honneur de FEDEREC et PDG de la Compagnie des Matières Premières.
Reste à faire l’évaluation du potentiel de marché représenté par cette filière Recyclage et Matériaux Verts pour quitter l’ombre et permettre aux acteurs de savoir comment pourraient se répartir les profits entre eux à l’avenir, le potentiel étant incontestablement aussi réel que le besoin de voir la « mine urbaine » prise en compte sérieusement dans l’hexagone.
Christophe Journet
La synthèse interministérielle :
« Nous construisons la france industrielle éco-responsable. Recycler est une priorité en termes d’environnement : une tonne de papier recyclé permet d’économiser 830 litres de pétrole. Recycler est une priorité en termes d’emplois : Recycler les déchets industriels crée 6 fois plus d’emplois que de les enfouir. Recycler est une priorité en termes de compétitivité : dans l’industrie papetière, des entreprises viennent s’installer en France pour bénéficier de la matière première recyclée existante sur notre territoire. Les industriels des déchets et du recyclage soutiennent une réduction importante, par voie réglementaire, des mises en décharge (-30% de déchets en 2020, - 50 % en 2025) et se mobilisent pour 111 projets de centres de tri ou de valorisation remontés dans le cadre du plan, représentant 785 m€ d’investissements et 1 650 emplois directs. »
« Avec eux, le plan vise également à renforcer la valorisation énergétique des déchets, en développant notamment les combustibles Solides de récupération (cSr), source importante d’énergie renouvelable. Pour que ces projets d’investissement voient le jour, l’environnement économique devra être stable, avec notamment un maintien de la tGAP à son niveau actuel, qui seul permettra aux industriels d’avoir la visibilité nécessaire pour engager des investissements amortissables sur plusieurs années. Le cGi est également sollicité pour appuyer les projets d’investissement, dans le cadre de l’Appel à manifestation d’intérêt « économie circulaire ».
« Les industriels se mobilisent enfin sur quatre filières spécifiques de recyclage, choisies en raison des volumes de déchets traités (la filière plastique et les déchets du BTP), ou du caractère innovant des matières concernées (les fibres de carbone et les cartes électroniques). Pour chacune de ces filières, le plan industriel propose un plan d’action spécifique : soutien à la R&D, amélioration de l’accès au gisement, développement de la demande de matières premières recyclées, création d’infrastructures industrielles, etc. »
Voir aussi sur :
http://www.federec.org/actualites/zoom-sur/plan-recyclage-et-materiaux-verts-federec-approuve

Mis à jour (Samedi, 12 Juillet 2014 17:55)