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PARIS (MPE-Média) - Brice Lalonde, ancien ministre de l’Environnement et président d’Équilibre des Énergies (EDEN) recevait récemment Henri Alfandari, député d’Indre-et-Loire et auteur du récent rapport d'information sur l’évolution du marché des crédits carbone au niveau européen et les enjeux représentés par ce marché. Extraits.
GD : Brice Lalonde, Pdt d’EDEN et Henri Alfandari, Député auteur d’un rapport sur l’évolution du marché du carbone (Capture d’écran EDEN/MPE-Média)
« Évolution du marché carbone : les dispositifs européens à la hauteur de l’enjeu ? », tel était le sujet de latelier-débat organisé par Équilibre des énergies (EDEN) avec Henri Alfandari, député d’Indre-et-Loire et auteur du rapport d'information sur l’évolution du marché des crédits carbone au niveau européen : La tarification du carbone est un instrument clé de la stratégie de l’Union européenne pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, note EDEN. Avec le développement du système d’échange des quotas d’émissions carbone (SEQE-UE), l’Union Européenne vise à associer un coût économique aux émissions de CO2 réalisées sur son territoire. La mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), permet quant à elle d’imposer une ‘taxe carbone’ aux produits importés, proportionnelle aux émissions de CO2 générées par leur production, poursuit EDEN.
Mais ces mécanismes sont eux-mêmes confrontés à certaines limites. Le prix de la tonne de carbone dans le dispositif SEQE-UE s’avère incertain et fluctuant, ce qui nuit à son efficacité comme boussole de la décarbonation. Un prix trop élevé constituerait en effet un risque pour la compétitivité des industriels européens, tandis qu’un prix trop bas ne permettrait pas d’inciter suffisamment à la réduction des émissions.
Un marché naissant
« C’est un marché naissant sur lequel on fonde beaucoup d’espoir », explique Brice Lalonde, notant la différence entre tonnes évitées (en retirant des causes d’émissions de CO2) ou retirées (lorsqu’on plante des arbres NDLR). Il ajoute que c’est un produit qui intéresse de nombreux pays notamment en Afrique, qui considèrent les crédits carbones comme des valeurs sûres.
Pour Henri Alfandari, « le principe c’est d’arriver à ce que tout le monde accélère vers cette baisse des émissions de carbone, sans déstructurer notre société et de faire en sorte que le reste du monde le fasse aussi ». Car « c’est avant tout une question énergétique. Le problème du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières c’est qu’il est possible de passer sous ses radars en important des pièces et non des produits finis. ArcelorMittal produit globalement 65Mt/an et la Chine plus d’un milliard de tonnes d’acier. Il faudrait taxer les produits au regard des conditions de production dans chaque pays ».
La chute récente des prix du carbone est-elle un mauvais signal ? « L’idée était d’installer un marché du carbone, même avec des prix instables. À un moment il faudra peut-être établir un prix plancher pour éviter ces dérives », explique Henri Alfandari. « Maintenant les entreprises sont obligées d’acheter leurs crédits carbone aux enchères. Comme il y a encore des crédits gratuits, la question est de savoir ce qu’il faut faire, ce que ça va coûter à l’industrie si le carbone devient payant hors quotas, tant que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières visant à réduire les importations n’est pas en vigueur », explique Brice Lalonde.
« L’autre question à laquelle il faut qu’on veille, c’est la séquence évitement, compensation et séquestration. On a besoin d’une vision très claire de ce qu’on séquestre dans les sols à travers les stockages, les plantations d’arbres, pour mesurer ces impacts en termes de résultats ».
« Il y a un très gros business en France et à l’international avec des entreprises qui proposent aux agriculteurs et aux industriels de réduire leur impact carbone, d’acheter des crédits carbone, ce compenser leurs émissions », relève Brice Lalonde.
La politique du chèque
« Je ne crois pas à la politique du chèque. À cette dispersion de l’action publique à travers ce saupoudrage d’argent public. Un marché a besoin de confiance pour exister, après, il faut laisser la liberté au marché de se faire. C’est d’une extraordinaire complexité. L’économie ça reste une croyance, on a besoin que la logique de ce que j’émets et ce que je séquestre reste claire et ne soit pas seulement une question de gain avec des tonnes évitées. »
Ajoutant que la situation budgétaire de la France est critique, Henri Alfandari précise en réponse à une question du public qu’on « ne peut pas tout résoudre par des subventions » (…). « Et que dans l’idéal, il faudrait pouvoir capturer un maximum de carbone dans l’atmosphère pour l’enfouir dans le sol tout en stoppant dès que possible l’utilisation de fossiles. »
« Quel étalon nous permet de nous parler et d’effectuer des échanges avec d’autres pays, cela semble être une question prioritaire », répond le Député à une question d’un participant du public. Mais il se dit aussi « inquiet qu’on fasse sans arrêt des constats sans mettre en face des solutions efficaces, alors qu’on a besoin d’investir massivement dans des solutions (…) en s’occupant plus des réalités des métiers tout en corrigeant le système ».
Il faudrait baser un prix du carbone dans le cadre européen
Henri Alfandari note que le rapport sur l’évolution du marché des crédits carbone a été bien accueilli par les parlementaires y compris écologistes. Il ajoute qu’il faudrait « baser un prix du carbone dans le cadre européen et le faire en tenant compte des risques de distorsion de concurrence. » Et qu’il puisse y avoir des discussions avec d’autres pays comme la Chine qui s’est fixée un niveau de taxe carbone très bas comparé à celui que pourrait fixer l’Europe.
Ce marché du carbone souffre-t-il d’un désintérêt citoyen ? « Croire qu’on arrivera à faire ce qu’il est bon de faire sans agir chaque jour pour être bien compris du public est essentiel », réagit Henri Alfandari.
MPE-Média - Les ETS semblent avoir été une fausse bonne idée. En 2008, la crise financière a permis aux industries très émettrices de gagner des millions d’euros pour avoir réduit leurs émissions. Ensuite, elles ont préféré payer pour produire plus. Qu’en dîtes-vous?
HA – « Oui, c’est vrai que ce qu’on a fait a produit des biais et que des gens en ont profité. C’est pour ça qu’on va éteindre les quotas gratuits et faire des choses. Il y a une alerte dans la façon dont on construit ce marché, le MACF, et qu’à force, la zone euro pourrait être évitées en termes de marché. Oui, il y a des erreurs, des gens qui en profitent. Ce n’est pas une raison pour ne rien faire, sans modifier notre réponse. Si on voulait vraiment aller dans le carbone capture il faudrait multiplier par dix le parc nucléaire mondial ce qui est impossible ».
Christophe Journet
Rédacteur en chef de MPE-Média
Voir aussi via https://www.equilibredesenergies.org