LONDRES (MPE-Média) - M. Fabio Riva, Directeur Général du groupe Riva, premier producteur italien et 3e européen d'acier a été placé en résidence surveillée à Londres par la police britannique agissant à la suite d'un mandat international d'amener émis par la justice italienne à la demande du parquet de Taranto, dans la région des Pouilles (sud-est de l'Italie), apprend-on de source italienne. Rappel des faits et développements dans une affaire qui risque de faire monter en pression les prix de l'acier en Europe.
Logotype du groupe italien Riva (source Riva Group)
Couverte par le secret d'une instruction entamée voici de longs mois par une juge d'instruction italienne du parquet de Tarente, la ville où se trouve la plus importante aciérie du groupe Riva et d'Italie, Ilva, productrice de près de 10 millions de tonnes d'acier par an, l'enquête qui a conduit la justice italienne à solliciter l'arrestation et le placement en résidence surveillée de M. Fabio Riva, le fils d'Emilio Riva, PDG du groupe Riva est partie d'une série de plaintes de familles de riverains de l'usine Ilva-Riva de Tarente qui accusent le groupe italien d'avoir trop tardé à dépolluer ses processus de production d'acier dans le site qui employe au bas mot 20.000 personnes et fait vivre indirectement plus de 70.000 salariés de la métallurgie italienne. Ces plaintes ont été instruites pendant plusieurs années avant les récentes décisions prises par le parquet de Tarante.
M. Fabio Riva est considéré comme le directeur exécutif du groupe Riva, le holding propriétaire de la société Ilva qui gère l'aciérie. C'est donc vers lui que la justice italienne se tourne à présent, après avoir tenté d'obtenir une fermeture pure et simple du site industriel à la fin 2012, que le gouvernement de M. Mario Monti a refusé en signant un décret autorisant l'aciérie à produire de l'acier - après engagement de la part du groupe Riva d'engager de nouveaux travaux de mise aux normes environnementales (lire nos articles précédents depuis l'été dernier). Ni M. Monti ni les autorités de la région des Pouilles ne voulaient accepter la mise au chômage sans solution alternative de milliers de travailleurs du sud italien et dans le reste de la filière sidérurgique italienne. Mais jusqu'ici, M. Fabio Riva n'avait pas été personnellement inquiété par la justice de son pays, ce qui a changé récemment.
Le haut-fourneau n°5 de Taranto arrêté l'été dernier à la demande de la justice à cause d'émissions de gaz jugés toxiques (ph SD Ilva)
M. Fabio Riva est aussi le président de plusieurs sociétés de la métallurgie française spécialisées dans la production et le négoce d'aciers pour la construction. Il a participé en 2011 au sommet mondial des aciéristes membres de Worldsteel à Paris, où il avait confié à MPE-Média son sentiment sur les risques qu'encourait l'Union européenne à augmenter les exigences environnementales avant que la Chine soit obligé de s'appliquer les mêmes règles, et ses craintes d'une vraie perte de compétitivité de l'acier européen dans son ensemble pour ces raisons. Un an et trois mois plus tard, voilà M. Riva au centre d'un procés écologique et d'un drame sanitaire auquel la justice de son pays semble vouloir apporter une réponse perceptible par le public concerné, les magistrats tenant à leur réputation de grande intégrité face aux puissants, malgré la crainte du chômage de masse déjà présent dans la région de Tarente.
Plus délicate est l'instruction d'une seconde affaire initiée par un juge italien enquêtant sur une affaire de corruption de haut fonctionnaire et de financement occulte de partis politiques italiens, qui vise également la famille Riva, père et fils, depuis quelques mois et qui s'est également soldé par un mandat d'amener pour audition délivré à l'encontre de M. Riva père dans un premier temps, puis du fils M. Fabio Riva alors installé à Londres, d'où ce dernier a fait savoir dès la fin 2012 aux autorités italiennes qu'il se tiendrait à la disposition de la justice sans chercher à se dérober à la curiosité des enquêteurs.
Une décision lourde de conséquences?
La gravité de la demande d'extradition du n°2 du groupe italien est qu'elle intervient dans un contexte économique ultra-fragile en Italie et dans le secteur de l'acier en particulier. M. Mario Monti lui-même avait obtenu voici peu de temps la signature du Président de la République italienne M. Napolitano afin que les stocks d'acier de l'usine de Tarente puisse être débloqués - la justice avait placé sous séquestre 1,7 million de tonnes d'acier produit à Tarante depuis juillet 2012 - et la filière à nouveau servie par les commerciaux d'Ilva-Riva.
Si la responsabilité sociétale et environnementale du patron du groupe Riva, Emilio Riva, le père de Fabio Riva est sans contestation possible engagée, l'âge de celui-ci (plus de 80 ans) rend difficile pour la justice la poursuite des auditions à domicile et l'établissement d'une feuille de route de sortie de crise, autrement plus lourde de conséquence que celle qui a frappé le site mosellan de Florange dans l'hexagone. A quelques jours de la sortie en avant-première du film "L'Acier Trompé" tourné depuis 4 ans par une équipe autour du drame de Florange, cette interpellation du directeur général du groupe Riva assortie d'une demande d'extradition à l'Angleterre ressemble à s'y méprendre à une nouvelle tentative de la justice italienne d'avoir le dessus sur la sphère politique de leur pays, au mépris des conséquences que cet acte pourrait engendrer à quelques semaines d'élections décisives pour l'Italie et pour l'Europe entière.
Si M. Mario Monti est affaibli pour avoir soutenu un industriel mis en cause dans un grave dossier sanitaire découlant d'une crise industrielle et environnementale majeure, M. Silvio Berlusconi pourrait bien tirer tout seul les marrons du feu de l'acier au moment où il tente de briguer un nouveau mandat national susceptible de lui assurer l'immunité dont il a besoin face à d'autres juges italiens qui ont presque fini d'instruire de lourdes affaires de moeurs.
La décision du parquet de Tarente n'a pas surpris au Royaume-Uni où l'intéressé avait fait savoir qu'il se conformerait aux décisions prises conformément au droit international en vigueur : il faut un délai supérieur à un mois avant que son extradition en Italie puisse avoir lieu, note d'ores-et-déjà une de nos sources, qui préfère rester anonyme. Laquelle se demande si cette série d'imbroglios juridiques et financiers ne cacherait pas tout simplement de vraies pressions mafieuses pour obtenir de la famille Riva de l'argent en échange du droit pour l'aciériste européen Riva à relancer son aciérie de Tarente.
Christophe Journet

Mis à jour (Mardi, 25 Octobre 2016 10:41)