PARIS (MPE-Média) – Se trouvant momentanément en difficulté pour les raisons environnementales et obligé de fermer son aciérie Ilva de Tarente (Italie du sud), le producteur d’acier italien Riva devrait regarder de plus près l’offre de reprise des hauts-fourneaux de Florange, estime la presse italienne et en particulier l’éditorialiste d’Il Fatto Quotidiano, M. Martinelli. Examen et contre-enquête sur cette proposition qualifiée de "créative", mais peu probable d'un point de vue industriel par le PDG de Laplace-Conseil M. Genet.

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Il Fatto Quotidiano a mis en ligne l’idée d’un parallélisme d’intérêt entre la France et l’Italie de l’acier (source IFQ www.ilfattoquotidiano.it )

Le groupe Riva se trouve en face d’un vrai dilemme pour approvisionner en brâmes d’acier ses laminoirs de Tarente, où une juge d’instruction a ordonné la fermeture de la phase à chaud voici quinze jours, jugeant insuffisantes les mesures prises par le groupe Riva pour stopper des émissions de gaz toxiques dans l’un des plus grands sites de production d’acier d’Europe situé en bordure de l’Adriatique.

L’arrêt de la partie « liquide » de l’aciérie de Tarente, auquel le groupe Riva a tenté de s’opposer plusieurs fois (lire nos précédents articles d’août dernier à ce propos) semble contestable d’un point de vue strictemet juridique, s’il n’y avait pas des preuves incontestées de nombreux décès depuis plusieurs décennies attribuées par les médecins aux conséquences de la pollution provoquée par le site d’Ilva Tarente. Les seuls travaux de maintenance et de remise aux normes européennes industrielles de production d’acier dureraient assez longtemps pour rendre utile cette substitution par de l’acier provenant de France, l’éditorialiste d’Il Fatto Quotidiano allant jusqu’à suggérer que l’arrêt de la phase à chaud de Tarente risque de provoquer l’arrêt total ou partiel des productions d’acier laminé à froid du site italien, ce qui n’est pas le cas à Florange déjà servi en brâmes par l’aciérie d’ArcelorMittal Dunkerque depuis l’an dernier.

Accord avec le gouvernement français à trouver

« Un accord avec le gouvernement français de François Hollande – notamment sur le coût partagé de l’investissement nécessaire à cette reprise de Florange, mais aussi sur une compensation par rapport au coût du travail, plus élevé en France qu’en Italie – permettrait peut-être l’intégration des hauts-fourneaux remis en état à Florange au groupe Riva, ce qui lui permettrait de résoudre son problème d’approvisionnement en brames à Tarente, d’un côté, et de l’autre de trouver une solution au moins provisoire pour les 629 emplois suspendus à Florange », suggère M. Martinelli dans des termes résumé par notre correspondant italien.

« A charge aux parties intéressées de revoir ultérieurement comment articuler d’autres propositions, car c’est toute l’Europe latine qui doit décider de maintenir ou non en activité son industrie automobile, ses productions d’électricité, ses aciéries, desquelles dépendent son indépendance économique, financière, industrielle et donc sociale que seules des décisions courageuses, tant du côté privé que pour les dirigeants des politiques publiques, peuvent préserver ».

Cette proposition de la presse italienne – pour l’instant restée sans réponse de la part du Groupe Riva, que nous consultons actuellement sur la question – est suspendue à l’appel en cours entre la justice de Tarente et le groupe Riva, qui avait nommé en août un directeur opérationnel chargé de gérer le dossier de Tarente.

Brames envoyés par cargo

« Florange pourrait envoyer ses brâmes en Italie via Rotterdam par bateau, plutôt que par wagons, c’est en tout cas une proposition créative », réagit M. Marcel Genet, PDG de Laplace-Conseil, expert de l’acier global basé à Paris.

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L'aciérie Ilva Riva de Tarente produit près de 10 millions de tonnes d'acier brut par an et l'essentiel de l'acier automobile italien (ph SD Riva)

Mais la vraie question n’est pas là, c’est plutôt ce qui se passe en Italie où il semble que des manipulations aient pu avoir lieu entre le parquet local de Tarente et certains acteurs non visibles, qui tentent de tirer un parti financier de l’imbroglio dans lequel se trouve le groupe Riva, note une autre source, qui tient à son anonymat et qui s’étonne qu’on découvre durant l’été 2012 la situation sanitaire à Tarente, laquelle dure depuis des années au vu et au su de tous.

« Quoiqu’il en soit, tous les riverains vivant en bord de mer à proximité d’autres aciéries en Europe sont déjà arrivés à obtenir des protections pour l’environnement, qu’il s’agisse des particules dans l’air ou du benzène émis par les cokeries. On ne règle pas un problème en arrêtant une aciérie du jour au lendemain. C’est la première chose », poursuit M. Genet.

La seconde raison invalidant cette idée

« La 2e chose est que Riva s’est engagé à investir près de 400 millions d’euros dans la remise à niveau de Tarente. Si on ne parvient pas à un accord, je ne vois pas comment la juge pourrait forcer l’entreprise à fermer. Est-ce qu’on fait venir l’armée, est-ce qu’on bombarde? Toutes les autorités locales, les syndicats, le gouvernement, M. Monti sont opposés à la fermeture de Tarente. Tarente a deux fois la vraie capacité de Dunkerque, avec deux aciéries, deux trains à bande, quatre ou cinq hauts-fourneaux, le seul site intégré capable de faire des aciers automobiles en Italie », nous précise M. Genet.

« Ca ne pose aucun problème majeur de réaliser des travaux à Tarente-Ilva, qui ne tourne qu’à faibles capacités, sans risquer de manquer de brames durant ces travaux, durant près de deux années au moins », poursuit le PDG de Laplace-Conseil.

« Si toutefois Tarente était vraiment obligée de fermer sa phase à chaud, la première solution serait d’acheter de l’acier à Fos-sur-Mer (ArcelorMittal) et partout ailleurs en fonction des besoins. Le marché des brames est très bas en ce moment, à 480 dollars fob/tonne Mer noire, le minerai de fer et celui du charbon à coke ayant baissé », ajoute M. Genet.

« Cette coïncidence entre deux évènements simultanés à Florange et à Tarente autorise la presse italienne à émettre une idée créative, mais les faits économiques sont têtus », conclut-il, ajoutant qu’il ne faut pas entretenir de faux espoir d'un côté comme de l'autre, en France comme en Italie.

Christophe Journet, avec Giampaolo Bertuletti

 

Voir aussi via :

www.ilfattoquotidiano.it

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Mis à jour (Samedi, 22 Octobre 2016 15:47)