PARIS (MPE-Média) – L’ancien ministre et député Président de la Plateforme automobile (PFA) Luc Chatel était reçu ce 6 juin par Équilibre des énergies (EDEN) pour un atelier débat consacré à la mobilité électrique et au développement des infrastructures indispensables à cette transition. Extraits.

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GD : Brice Lalonde, Pdt d'EDEN, Luc Chatel, Pdt de la plateforme automobile (PFA) échangeant à propos de la mobilité électrique (capture d'écran MPE-Média)

 

Répondant au Président d’EDEN Brice Lalonde, Luc Chatel estime que l’industrie automobile française « sera au rendez-vous de ce défi, qui est de répondre au changement climatique » et de le faire de façon « respectueuse de la liberté des usagers : nous sommes revenus à l’époque des pionniers. L’automobile est plutôt qualifiée pour répondre à ce défi et évoluer » a-t-il déclaré.

« Nous avons devant nous un challenge qui est d’avoir zéro pour cent de voitures thermiques neuves en 2035. Est-ce qu’on va y arriver ? Est-ce qu’on aura les acheteurs, les voitures électriques étant 50% plus chères actuellement ? », pose Luc Chatel.

 

Une vocation « transversale »

« La vocation de l’électrique est transversale, pour l’ensemble des gammes de voitures. Le consommateur est encore perdu, il n’est pas convaincu, parce que les VE ne dépassent pas 400 km d’autonomie, parce qu’il faudrait davantage de bornes de recharge dans les territoires. Autre impact de ce virage, sur le tissu industriel : oui, nous allons de l’avant parce que nous n’avons pas le choix. Le diesel s’est popularisé parce qu’il coûtait moins cher que l’ordinaire, ce qui avait permis de construire les meilleurs moteurs diesel au monde », explique le Pdt de la PFA.

Il évoque aussi les quatre « gigafactories » en construction dans les Hauts-de-France, la création de nouvelles formations pour les métiers de la mobilité électrique, la mutation du parc de concessionnaires et garagistes déjà engagée : « Nous devons activer tous les leviers. Il faut s’attaquer au parc automobile lui-même ».

Luc Chatel note que les constructeurs seront tous 100% électrique avant 2035, ce qui représente plusieurs centaines de milliards d’euros d’investissements en Europe. Et s’étonne que l’on demande encore d’importants investissements « sur le machin d’avant », le modèle thermique. « Le sujet, c’est qu’on ne détourne pas les constructeurs du zéro émission et du modèle électrique ».

« Prime à la conversion, pour encourager les consommateurs à changer de véhicule, bonus, toutes les solutions sont bonnes à mettre en œuvre pour convaincre les acheteurs (…). L’hybride rechargeable n’est qu’une solution de transition », modère-t-il en réponse au Pdt d’EDEN Brice Lalonde.

Tout ça tient « à condition que l’électricité soit décarbonée », rappelle Luc Chatel, à l’échelle européenne : « La production d’une voiture électrique va coûter davantage en émissions de CO2 que celle des voitures thermiques actuelles. On a aussi un énorme sujet sur le prix de l’énergie, c’est ce que nous disons au gouvernement. On est deux ou trois fois plus chers globalement que les USA ou la Chine côté constructeurs ».

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Luc Chatel (capture d'écran MPE-Média)

 

Questions-réponses : « C’est l’Europe qui a inventé l’automobile »

 

MPE-Média - Pourquoi ne pas avoir tenté d’aller vers la neutralité carbone des voitures thermiques déjà bien engagée, ou avoir choisi plutôt d’adapter les moteurs thermiques diesel à l’emploi d’hydrogène, ce qui existe déjà ?

 

Luc Chatel – La filière automobile l’a fait durant des années, avec des moteurs plus performants, de meilleurs rendements, qui consomment moins de carburant. Quand je suis arrivé en 2018 à la PFA, on me parlait de la voiture à 1 litre au cent kms. On travaille sur tous les sujets. Sur les carburants synthétiques, aussi, ce qui coûte trop cher. C’est très bien pour Porsche, avec un carburant à 8€/litre et qui lui permettra de vendre des voitures thermiques après 2035. Mais pas pour les autres segments de mobilité.

Luc Chatel nous rappelle aussi que c’est l’Europe qui a inventé l’automobile. Le coût de développement des moteurs thermiques, la maîtrise de l’ensemble de la chaîne est à mettre en face des constructeurs chinois qui n’ont pas vraiment développé le thermique avant de lancer l’électrique dans le plus grand marché du monde : « Aujourd’hui, la part de marché des véhicules électriques produits en Chine et vendus en Europe, c’est 20% contre 1% auparavant », note-t-il.

« La question, c’est de savoir comment on reconstitue des briques industrielles qui nous permettront de rester souverains pour l’automobile », répond-il à une question sur l’installation par une société taïwanaise d’une usine de batteries à Dunkerque. « Il y a 22 projets de gigafactories de production de batteries en Europe dont la moitié sont allemands », ajoute-t-il.

 

« L’automobile va perdre encore 60 000 emplois »

Répondant à une question « sociale » dans la salle à propos des fermetures de fonderies et de l’emploi, Luc Chatel explique avoir fait un travail d’évaluation avec les partenaires sociaux et par bassins de vie : « On estime que l’industrie automobile est passée de 400 000 à 350 000 emplois et qu’elle va perdre encore 60 000 ermplois. On a mobilisé des fonds privés et publics pour créer des formations aux métiers du futur de l’automobile, c’est une des missions de la PFA ».

ET quid des futures « ZFE (zones à faibles émissions) » ? Luc Chatel voit bien les collectivités locales partir très fort et revoir ensuite leur niveau d’exigence, confrontées aux impacts économiques de ces mesures pour leurs habitants.

Et quid des véhicules au biogaz ? « Vous prêchez un convaincu, nous sommes ouverts à toutes les bonnes solutions. Il reste toutefois des émissions avec le biogaz », répond Luc Chatel à un participant.

Le Pdt de la PFA pense qu’à la fin de la décennie, les constructeurs verront leurs chiffres d’affaires provenir à plus de 30% des services rendus avec des voitures.

 

MPE-Média : Les analyses du cycle de vie des VE sont souvent critiques, notamment quant aux capacités de recyclage des batteries, aux ressources en platinoïdes, en lithium, en « masse noire » pour les batteries. Qu’en pensez-vous ?

 

LC – Au moment du choix européen il n’y a pas eu beaucoup d’analyses sur le cycle de vie du véhicule électrique, de la fabrication à sa fin de vie via l’usage. Souvent les raisonnements sont imparfaits. Aujourd’hui, la fabrication des voitures électriques émet plus que celle des voiturs thermiques. Mais nous allons créer une véritable industrie du recyclage en France, sur l’ensemble des matériaux des véhicules, il y aura un levier vraiment intéressant sur l’économie circulaire.

Répondant à d’autres questions du public présent sur les défis de la formation professionnelle des acteurs de l’e-mobilité, sur la règlementation internationale pouvant mettre à mal l’économie du modèle, Luc Chatel voit une source d’optimisme dans le fait que « les jeunes français aiment l’automobile, aiment se former à ces métiers (…) Ça va secouer, mais les industriels font leur métier, ils seront au rendez-vous. Nous sommes des acteurs du changement, comme EDEN, rendant compatible industrie, croissance et environnement ».

 

Christophe JOURNET

Rédacteur en chef de MPE-Média

 

Voir aussi via https://www.equilibredesenergies.org

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