PARIS (MPE-Média) – Après l’alerte sur une pénurie de matières premières plastiques lancée par plusieurs organisations professionnelles (Elipso, Fédération française de la plasturgie, European Plastics Converters - EuPC), MPE-Média a obtenu des explications factuelles du côté des producteurs qui évoquent de nombreux cas de "force majeure" depuis février 2015 . Détails.

« Suite à l’alerte de la Fédération française de la Plasturgie et des Composites, la Fédération européenne, basée à Bruxelles, European Plastics Converters (EuPC) se mobilise suite aux nombreuses déclarations de force majeure par certains des fournisseurs de polymères sur le marché européen. Cette pénurie de matières plastiques pourrait avoir des effets très dommageables et empêcher la reprise économique du secteur », pouvait-on lire ce vendredi sur le site internet de la Fédération Française de la Plasturgie en écho à l’alerte également lancée ce jeudi par ELIPSO, le Syndicat des producteurs d’emballages plastiques et souples concernant une « pénurie » de matières plastiques de base (lire notre précédent article en ligne).

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(Source Fédération de la Plasturgie et des composites)

Plusieurs faits industriels et économiques bien identifiables sont à l’origine de la situation ayant provoqué « une forte inquiétude concernant la situation actuelle des approvisionnements pour les plasturgistes et des prix des matières » exprimée ce jour par M. Jean Martin, Délégué Général de la Fédération de la Plasturgie et des Composites.

« Alors que le baril de pétrole voit son cours stabilisé autour de 50€ après un plongeon fin 2014, le prix des matières plastiques augmente et certains plasturgistes sont en situation d’arrêt de production pour cause de rupture d’approvisionnement », ajoute la même source.

« L’activité est difficile depuis de nombreux mois, mais un peu d’optimisme commençait à réapparaitre! A nouveau, c’est l’ensemble de la filière qui se retrouve fragilisée. La Fédération de la Plasturgie et des Composites demande à ses fournisseurs de mesurer leur responsabilité. Elle souhaite que plus de dialogue et de transparence permettent d’anticiper les évolutions de prix ! Les 3800 entreprises de la plasturgie françaises sont mises en danger. Chaque maillon de la chaîne de valeur doit contribuer à réduire le risque encouru par les entreprises, qui constituent le cœur de la filière en France », conclut Jean Martin.

Phase de retournement de marché

Il apparaît depuis déjà quelques semaines qu’une probable phase de « retournement de marché » en termes de disponibilité de matières plastiques de base, assez semblable à celle intervenue en 2010 avec également des conséquences du point de vue du prix contractuel des différents produits soit en cours, analyse le Directeur général pour l’Ouest de l’Europe de PlasticsEurope Michel Loubry, qui voit dans ces difficultés récentes la conjonction de plusieurs facteurs peu prévisibles au début 2015, auxquels se sont ajoutés des « cas de force majeure » recensés par nos confrères allemands de Plastics Information Europe (PIE) sur leur site internet.

Tout d’abord, dans la foulée de la chute des prix du pétrole (près de 50% depuis le début de l’été 2014), on sait que les prix de l’éthylène, des monomères et des polymères ont connu une très forte baisse comparés à ceux d’il y a moins de six mois au point de faire chuter à leur tour les prix des matières recyclées vierges. Les producteurs ont observé que leurs clients plasturgistes ont pour la plupart vidé leurs stocks entre la fin 2014 et le début février, en attendant que leurs matières premières primaires atteignent un point bas pour restocker après leurs bilans comptables de la fin 2014, avant la mi-février.

« Les rumeurs dans le marché étaient que l'on s'approchait du prix plancher début février pour le polyéthylène à environ 1.000€ la tonne, soit beaucoup moins cher qu'il y a quelques mois », explique M. Loubry.

Il s’avère que la très légère hausse du prix du pétrole brut (Brent) intervenue avant le 10 février (voir nos archives en ligne) a confirmé cette possibilité, provoquant un afflux de commandes à la fois soudain et inattendu pour la plupart des producteurs.

Une longue liste de cas de « Force Majeure »

« Les usines européennes de PE et PP tournaient quasiment à pleine capacité depuis le début de l'année et font depuis face à des problèmes techniques classiques dans ce genre de situation. Nous avons recensé 5 déclarations de force majeure en mars, 2 en Novembre et une en septembre 2014 sur des capacités PE/PP », précise M. Loubry, conscient des problèmes provoqués en aval par ces ruptures de livraisons.

Or plusieurs sites de production de matières plastiques de base subissaient dans la même période des arrêts de production pour cas de force majeure. La liste de ces cas de FM établie par nos confrères de PIE web au jour le jour est éloquente : Lucite-Billingham au Royaume-Uni le 10 février pour une famille de monomère, Borealis-Stenungsund en Suède depuis la fin janvier et annoncé le 15 février pour sa production d’éthylène et de propylène, de LDPE et de HDPE en aval, Polychim-Dunkerque en France le 10 mars pour sa production de polypropylène (PP) suite à des « problèmes techniques dans sa supply chain interne au site », Versalis-Dunkerque en France également avant la mi-mars durant des travaux devant permettre au site de cracker de l’ethane importé des Etats-Unis par la suite.

L’usine Borealis-Schwechat en Autriche s’est ensuite déclarée via son opérateur OMV Österreich « dans l’incapacité de produire du PE et du PP dans son cracker jusqu’à nouvel ordre » (ce site produit aussi du butadiène), LyondellBasell-Münchmünster en Allemagne dans le même cas le 25 mars pour toutes ses références de HDPE à cause de « problèmes techniques affectant surtout les grades destinés au soufflage/moulage », Borealis-Kallo et Anvers en Belgique le 26 mars (PE, PP, copolymères) suite à « des avaries imprévisibles en zones de production et des pannes d’équipements obligeant le groupe à un arrêt non programmé des sites ».

Sabic-Gelsenkirchen en Allemagne a déclaré force majeure fin mars pour ses grades HD/LLDPE à base de polyéthylène, suite à « des problèmes techniques inattendus obligeant à stopper l’usine, sans pouvoir dire pour combien de temps », panne d’origine électrique provoquant l’arrêt de plusieurs unités de production dans la foulée et une série d’explosions, précise un rapport de police ; dans la foulée de ce cas de FM, le producteur de PVC allemand Vestolit-Marl en Allemagne a annoncé le 31 mars se trouver dans l’incapacité de produire de la soude caustique et du PVC, ajoutant que son fournisseur BP refining &Petrochemicals s’était déclaré en cas de force majeure le 29 mars pour son C2 suite à l’avarie survenue dans le cracker de Gelsenkirchen.

L’impact de la parité euro/dollar

L’impact en aval de cette raréfaction des produits de base fabriqués en Europe courant mars a d’autre part été semble-t-il également amplifié du fait du changement très rapide de la parité €/$, qui a entraîné derechef une forte baisse des importations (pour le PE, 25% du marché européen est d’habitude approvisionné directement par l'importation de matières achetées hors Europe).

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En effet, des sources proches du dossier nous confirment que les plasturgistes européens et français s'approvisionnent plus en Europe qu'auparavant et que les producteurs de PE/PP du Moyen-Orient et des USA sont plus attirés par les zones contractant en dollars, rendant de fait le marché européen plus dépendant des importations de matières de base produites hors de l’Union européenne.

La tentation demeure forte pour les clients de ces sites de voir dans ces ruptures d’approvisionnements une façon déguisée d’attendre que les prix de marché du polyéthylène et du polypropylène soient tirés vers le haut par la crainte suscitée par la pénurie pour relancer des usines dont les coûts de production demeurent stables, note notre confrère de PIE Daniel Stricker, qui se pose des questions sur l’opportunité pour l’Union européenne de maintenir des taxes sur l’importation des produits qui font à présent défaut chez nous.

Le Brent entre 55 et 65$/baril

Ceci dit nonobstant le fait que le prix du brent ne grimpe guère dans la période (-3 ,7% à moins de 55$/baril le 2 avril contre un pic à 65$/b. en février-mars), soit restant toujours inférieur de moitié à ses points hauts antérieurs supérieurs à 120$/b. en 2010 et 2012, atteignant 143,20$/b. à la fin juin 2008, seul pic historique suivi par un point bas également critique à 39,16$/b. peu avant Noël 2008.

 

(graphiques source Zonebourse.com)

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Evolution du Brent (noir) et du WTI (rouge) de 2005 à 2015 (source www.zonebourse.com)

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Le contrat d’achat moyen de C2 (ethylène) a augmenté de son côté pour avril de 55€/tonne sur un mois malgré un prix du naphta plutôt stable, les taux de production ayant chuté de 80% en Europe slon nos sources (Graphique PIE web)

Les prix des plastiques subissent donc bien une réplique de la mini crise d’avril-mai 2010 (prix du brent en chute) tandis que ceux du brent viennent quant à eux de connaître un 2nd épisode de dépression de la fin juin 2014 à la fin janvier 2015, les 10 dollars de hausse de son prix depuis l’hiver jusqu’au printemps n’expliquant pas à eux seuls ce réflexe de réassort groupé et massif des clients européens des producteurs de plastiques que ces derniers observent comme l’une des causes de ces pannes en série. Il est aussi intéressant de noter que l’écart recommence à se creuser entre le prix du Weset Texas Intermediate américain et le Brent depuis le 19 janvier dernier, à dix dollars de différence à la mi-mars et à peine moins ces derniers jours, ce qui va jouer en faveur des producteurs de mono et polymères nord-américains.

Christophe Journet

Voir aussi sur :

http://pieweb.plasteurope.com/Default.aspx?pageid=30101&query=force%20majeure

http://www.zonebourse.com/LONDON-BRENT-OIL-MAY-13-4948/graphiques-comparatif/

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Mis à jour (Lundi, 31 Octobre 2016 11:10)