PARIS (MPE-Média) - La Chambre de commerce du Tribunal de Strasbourg a pris la décision de reporter au 12 décembre sa décision concernant l’offre de reprise d’ASCOVAL (Valenciennes - Saint-Saulve, ex filiale de Vallourec et d’Ascométal) par le groupe franco-belge ALTIFORT, sans Vallourec qui n’envisageait pas de solution autre que le reclassement partiel des salariés. Bruno Lemaire visitait Ascoval ce 8 novembre et soutient ce projet jugé positif par ses conseillers.

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Philippe Crouzet, Pdt du groupe Vallourec, est sorti du dossier ASCOVAL à la demande directe de l'Elysée et de Bercy, qui lui proposent de se recentrer sur ses propres résultats globaux et ne souhaitent pas l'échec du projet industriel de reprise d'ALTIFORT jugé crédible par les experts sollicités récemment par Bruno Lemaire (Ph SD Vallourec archives MPE-Média)

Strasbourg et son Tribunal de commerce ont accepté une demande de report au 12 décembre de sa décision à propos du projet de reprise de l'aciérie d'ASCOVAL Saint-Saulve (Nord) par le groupe franco-belge ALTIFORT, le Ministre de l'Economie et ses conseillers industrie souhaitant permettre aux dirigeants d'ALTIFORT de consolider leur plan d'affaires dans ce cadre, avec le soutien de l'Etat et sans l'ex holding de l'aciérie nordiste, Vallourec, à qui l'Elysée conseille selon nos sources de se préoccuper davantage de l'état de ses résultats globaux et de la valeur de ses actions en bourse. Vallourec va donc sortir du dossier, ce qui justifie un bref retour en arrière que voici :

« Après que le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a décidé, le 29 janvier dernier, d'attribuer à Schmolz + Bickenbach l'ensemble des actifs d'Ascometal, à l'exception de l'aciérie Ascoval, une période a été ouverte pour permettre à un éventuel repreneur de proposer une solution assurant un avenir pérenne à cette usine », expliquait en septembre dernier la porte-parole du groupe Vallourec.

« Dans ce cadre, le Groupe a été sollicité par Altifort pour subventionner à hauteur de 51 Millions d’euros son offre de reprise d'Ascoval. Au terme de l'examen de cette demande, Vallourec a communiqué aux administrateurs judiciaires, en charge de la procédure, qu'il ne lui était pas possible d'accéder à cette demande », poursuivait la même source.

Or ce ne sera plus nécessaire, car les dirigeants d'ALTIFORT ont pu parvenir à recomposer leur offre de reprise sans devoir solliciter l'ex holding d'ASCOVAL, dont les dirigeants préfèrent confier leurs achats d'acier à un partenaire allemand de Duisbourg, HKM, plutôt que de soutenir leur ex filiale du Nord.

« Cela serait en effet contraire à la préservation des intérêts du Groupe, dès lors que les demandes d'Altifort contraindraient Vallourec à acheter à cette société son acier à des prix supérieurs à ceux de ses autres sources d'approvisionnement, mettant en péril les activités françaises et européennes du Groupe, alors qu'elles consentent depuis plusieurs années des efforts considérables dans un contexte de marché extrêmement difficile. Il en va de même pour les subventions d'investissement demandées par Altifort », déclarait Vallourec courant octobre. Déclaration jugée inexacte par nos sources et les acteurs français du marché qui ont passé de nombreuses commandes à ASCOVAL ces dernières semaines, à des prix jugés très compétitifs depuis la France comme depuis d'autres pays d'Europe.

 

Besoins de financement sous-évalués?

« Au surplus, l'examen du plan de reprise montre que les besoins de financement du projet ont été largement sous-évalués et ne sont financés que pour une part minime par Altifort. Le reste du financement nécessaire, qui dépasse largement les sommes demandées à Vallourec, devait venir d'hypothétiques prêteurs et investisseurs », ajoutait le patron du groupe français en septembre. Mais l'intervention du Président de la République française, à ce titre actionnaire de Vallourec, a consisté à conseiller aux dirigeants de Vallourec de sortir du dossier et de se concentrer sur leurs propres enjeux dans l'hexagone et outre-mer. 

En conclusion de cette annonce  récenteà la presse, Vallourec disait - fort cyniquement NDLR -  être « pleinement conscient du désarroi des salariés d'Ascoval face au risque d'arrêt de l'usine. Si tel devait être le cas, le Groupe, qui n'a pas ménagé ses efforts depuis près de deux ans pour favoriser la recherche d'une solution pérenne pour l'aciérie, se mobiliserait à nouveau pour favoriser leur reclassement, à hauteur des besoins et possibilités de ses activités installées en Hauts de France, en lien avec les autorités compétentes ». Autrement dit : oui à la fermeture de notre ex filiale, non à sa relance, pour ne pas contrarier d'autres intérêts puissants outre-Rhin. Ce que Bercy aurait fini par comprendre et interpréter comme une erreur de la part de Vallourec, nous explique une source proche des discussions en cours.

 

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En Chine, Vallourec a consenti à de gros investissements communs avec Manesman et Hunan Steel. La CGT métaux déclarait dans un communiqué récent à la presse que ce site chinois avait bénéficié illégalement d'importantes subventions françaises allouées à Vallourec pour réorganiser l'aciérie de St-Saulve, ce qui n'a pas été le cas (Ph archives MPE-Média)

« Le problème est effectivement très complexe et dépasse largement les frontières de la France », réagissait en réponse à nos questions cet automne le PDG de Laplace-Conseil et expert international de l’industrie de l’Acier Marcel Genet, sollicité à ce sujet depuis par ALTiFORT et par un consultant allemand basé à Paris, le groupe Roland Berger, qui a remis récemment un rapport à Bercy sur la nouvelle offre de reprise d'ALTIFORT, auquel ne manque à présent que l'engagement de l'Etat via BPI France. Engagement qui est quasiment acquis selon nos informations.

« HKM serait fragilisé par le transfert permanent de blooms - brames d'acier NDLR -  à Ascoval et faisait pression sur Vallourec pour fermer cette usine, ceci expliquant largement la position de Vallourec », continuait M. Genet qui précisait que Vallourec prend un risque réel en s'approvisionnant exclusivement auprès de l'aciériste allemand HKM, une aciérie intégrée traditionnelle avec hauts-fourneaux et cokerie, qui produit quatre fois plus de CO2 par tonne d'acier que l'aciérie électrique d'Ascoval bien rénovée, qui recycle de la ferraille achetée en France et économise ainsi de l'énergie et des émissions de gaz. Mais HKM bénéficie de droits d'émissions gratuit délivrés aux sidérurgistes par Bruxelles tout comme à d'autres aciéristes traditionnels.

 

Vallourec devenu allemand?

« Vallourec est français de nom et de siège mais est devenu allemand pour le pouvoir réel et en particulier dans l’usine de HKM, joint venture entre ThyssenKrupp à 50%, Mannessmann à 30% et Vallourec à 20%. L’accord entre les trois partie est un accord de « Take or Pay ». Chaque partenaire paie sa cote part des frais fixes de l’usine plus les frais variables pour les tonnes enlevées », expliquait récemment Marcel Genet. D'autre part, la valeur en bourse de l'action Vallourec est toujours au plus bas et son bilan comptable le plus récent indique des signes d'inquiétude pour ses résultats sur les marchés de l'énergie US et au Brésil, peut-on lire ailleurs.

« Une fois de plus, la France ne regarde pas au delà de ses frontières, là où se trouve peut être la solution. D’autre part, HKM ne peut pas produire les aciers spéciaux au chrome et devra s’approvisionner auprès de Schmoltz & Bickenbach, qui produira elle-même ces produits dans ses usines allemandes », ajoutait le PDG de Laplace-Conseil qui a noté dans ses indications à ALTIFORT que « Vallourec a raison de dire que le financement du projet Altifort était du coup encore loin d’être assuré avec Vallourec et que cela posait une fois de plus le problème de l’absence d’investisseurs français intéressés par l’acier en France. Rien de nouveau sous le soleil », concluait cet expert, qui a tenté dès février 2018 de réunir des porteurs de solution pour éviter tout risque de fermeture de cette aciérie, sans réponse à l'époque du gouvernement français ni des fédérations patronales de la sidérurgie à Paris.

Ses efforts pour soutenir la reprise par le franco-belge ALTIFORT semblent à présent pouvoir porter leurs fruits, même si la Juge en charge de la décision reportée au 12 décembre a déclaré mercredi 7 novembre non sans humour en reportant l'audience que Bercy et Paris ne lui laissait pas vraiment le choix.

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La carte de l'acier allemand, où HKM figure en 10ème position  à Duisburg (Archives MPE-Média)

 

Le Pdt des Hauts de France Xavier Bertrand en pole position

De leur côté, les dirigeants d’Ascoval et les élus des Haut de France dont leur Président de Région Xavier Bertrand en pole position jusqu'au début novembre sur ce dossier face au Ministre Bruno Lemaire, ex LR devenu macroniste, se sont réunis maintes et maintes fois et encore récemment : « Une réunion entre Altifort, les banques, la Région Hauts de France, et la Métropole de Valenciennes s’est tenue le 29 octobre pour finaliser les derniers éléments de l’opération qui sera présentée au Tribunal de Grande Instance de Strasbourg. 

« Le plan de financement de près de 150 millions d'euros est en bonne voie d’être finalisé. Trois banques ont déjà émis un avis favorable à leur participation, sans condition à présent de l’obtention de la contribution demandée à Vallourec*. Le projet d'Altifort construit autour d’une filière complète, auquel le repreneur ajoute l'installation d'un train à fil d'acier qui sera unique en France, est robuste industriellement, commercialement et économiquement. Cette solution préserve non seulement les 281 emplois d’Ascoval, et en créera 133 nouveaux, sans compter le fait de maintenir les interconnexions d’Ascoval avec d’autres sociétés dans la région Hauts de France où plus d’un millier d’autres emplois indirects sont concernés », nous a expliqué Cédric Orban, CEO d’Ascoval. C'est cette coalition d'intérêts qui  pourrait bien faire basculer la décision du Tribunal de commerce de Strasbourg vers une reprise par Altifort lel 12 décembre.

 

Les demandes d’Altifort à Vallourec pour offrir une solution de pérennité à Ascoval

Pour soutenir le business plan de l’offre de reprise par Altifort, Vallourec devait en principe donner son accord au préalable sur trois conditions suspensives, ce ne sera plus nécessaire, ce groupe s'engageant seulement à maintenir ses achats d'acier à ASCOVAL durant trois mois, au début 2019 au lieu de 2024 selon un précédent contrat.

Pour rappel, Vallourec s’était engagé en janvier 2017 à s’approvisionner auprès d’Ascoval dans le cadre d’un contrat « Take or Pay » pour une période minimum de 7 ans, jusqu’en 2024 - cet engagement a été mis de côté à ce jour NDLR.

 

Ascoval : des gains importants de rentabilité depuis 2017

« Pour comprendre Ascoval, il faut regarder son histoire. Pour rappel, créée en 1975 par le groupe Vallourec, l’aciérie de Saint-Saulve près de Valenciennes, spécialisée dans les aciers spéciaux (haute qualité), était destinée à alimenter les usines exclusivement de ses deux actionnaires (Vallourec à 40% et Asco Industries à 60%) », précise la porte-parole d’Ascoval et d'Altifort.

« Après la liquidation judiciaire d’Asco Industries en février 2018, Ascoval se retrouvait avec Vallourec comme seul actionnaire et client. Ascoval est aujourd’hui une filière industrielle stratégique et un outil de production industriel moderne et hautement opérationnel », ajoute la même source.

« Avec le soutien des salariés et des syndicats, la nouvelle équipe de direction arrivée en 2017 conduite par Cédric Orban a depuis 2 ans considérablement amélioré les performances pour permettre au site de production de passer d’un modèle de coopérative de production pour ses deux actionnaires et clients à un modèle d’entreprise centre de profit, active sur le marché. Les coûts de production ont été réduits de plus de 30% de 400 à 270 €/t, après de nombreux efforts des salariés - et sans plan social - pour améliorer la production et la compétitivité », ajoute la porte-parole d’Ascoval et d'Altifort Véronique Pernin.

Selon nos sources, ASCOVAL a reçu récemment des commandes du groupe anglais Liberty House dirigé par Sanjeev Gupta, dont le holding vient par ailleurs de prendre le contrôle de plusieurs sites de production d'acier européens du groupe ArcelorMittal que ce dernier devait céder à un tiers pour pouvoir acquérir l'aciérie ILVA de Tarente (Italie). Sujet sur lequel nous reviendrons sous peu.

Enfin, c'est loin d'être anecdotique, la récente venue d'Emmanuel Macron dans le Nord à quelques kilomètres de Saint-Saulve pour les commémorations du 11/11/1918 n'ont pas été du coup assombries par l'annonce d'un rejet du projet d'Altifort par Bercy et l'Etat français actionnaire de ... Vallourec. Malheureusement pour M. Macron, certains confrères ont voulu lui faire parler du Maréchal Pétain mais là nous sommes hors sujet ou presque.Verdict pour Ascoval en décembre en Alsace-Lorraine.

Christophe JOURNET

Rédacteur en Chef de MPE-Média

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Mis à jour (Mercredi, 12 Décembre 2018 12:57)