ROME (MPE-Média) - L’aciérie Ilva Rivafire de Tarante (Italie) reste ouverte et fonctionne normalement, alors que sept autres sites italiens de production de produits en acier du groupe Riva sont menacés de fermeture depuis la fin de la semaine dernière, nous confirment plusieurs sources. 1.400 salariés ont été priés de rester chez eux, otages de l'affaire Ilva de Tarante. 

Suite à la mise sous séquestre préventive de 916 millions d’euros d’avoirs par le juge de Tarante (Italie, Pouilles) dans le cadre de l’affaire environnementale de l’aciérie d’Ilva, le groupe Riva a annoncé vendredi dernier la fermeture de 7 sites de production d’acier électrique du nord de l’Italie et prié 1.400 salariés de rester chez eux jusqu’à nouvel ordre, confirment plusieurs sources. Notamment la Fédération patronale italienne Confindustria, homologue du Mouvement des entreprises de France, dont le Président Giorgio Squinzi vient de s’exprimer à ce propos ce lundi à Rome.

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Le HF n°5 d'Ilva Riva à Tarente, au centre de la tourmente judiciaire (Ph Archives MPE-Média)

Les établissements Riva de Verone, Caronno Pertusella (Varese), Lesegno (Cuneo), Malegno, Sellero, Cerveno (Brescia), Annone Brianza (Lecco) sont concernés par la mesure de rétorsion prise par la direction du premier holding de l’acier italien, pris dans une tourmente juridique et financière depuis qu’a éclaté la crise environnementale autour des émissions de poussière et de gaz toxiques constatés autour de l’aciérie Ilva de Taranto. Celle-ci n’est pas fermée et produit toujours de l’acier, la situation étant même jugée « normale », affirme le porte-parole romain de la filiale du groupe Riva, contrairement à d’autres sources qui laissaient entendre que la plus grosse aciérie italienne devait être mise sous scellés à cause du refus du groupe Riva de financer les opérations de remise aux normes écologiques du site.

Les syndicats italiens ont réagi en qualifiant « d’inacceptable la prise en otage des salariés dans ce énième épisode de l’affaire », tandis que M. Squinzi, patron des patrons italiens, a déclaré que « la fermeture de ces usines dans un secteur stratégique de notre système industriel est encore plus dramatique si on réalise qu’elle intervient au moment où la reprise commence juste à se manifester ».

La Confindustria craint pour la filière

La Confindustria en appelle au Président du Conseil M. Enrico Letta et aux ministres compétents pour qu’ils définissent des réponses juridiquement viables dans cette situation, afin d’éviter une nouvelle perte de compétitivité voire le risque de manquer de produits « fondamentaux pour les industries mécaniques et de transformation qui contribuent d’une façon décisive à l’équilibre de la balance commerciale italienne ».

Le Commissaire industriel étatique italien en charge du problème d’Ilva à Tarente M. Enrico Bondi écrivait en juillet dans un courrier au Sénat italien que le groupe Riva représentait l’an dernier 57% de la production italienne de bobines laminées à chaud et à froid et 9% de celle d’Europe. M. Bondi précisait alors que la filiale Ilva de Riva avait enregistré une forte baisse de ses ventes d’acier entre novembre 2012 et avril 2013, notamment à cause de la mise sous séquestre d’une partie de sa production suite à une décision de justice.

Un plan de réinvestissement acté en juillet

M. Bondi poursuivait sa note au Sénat italien en précisant que l’aciérie servait sept à huit usines de transformation d’acier italiennes et exportait près de 45% de sa production. Il notait aussi qu’un plan d’investissement destiné à remettre l’aciérie de Tarante aux normes devait être alimenté à la hauteur de 325 M€ en 2013 (contre151 M€ en 2012), 855 M€ en 2013 et environ 168 M€ en 2015. Ces investissement étant destinés principalement à la baisse des émissions de l’aciérie et de ses hauts-fourneaux, ainsi qu’à des travaux de couverture et de réfection de la cokerie du site des Pouilles.

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(Ph SD ILVA Rivafire archives MPE-Média)

Récemment, la justice italienne a annoncé avoir découvert au cours de son enquête que les dirigeants du groupe Riva mis en examen pour « crimes contre l’environnement » avaient placé à l’étranger plus de 700.000 euros au Royaume-Uni et près de 2 milliards d’euros dans d’autres pays apparentés à des paradis fiscaux, afin de tenter d’échapper à des saisies confiscatoires facilement opérables dans le réseau bancaire italien. Les deux premiers dirigeants du groupe Riva, MM. Emilio et Fabio Riva, sont toujours placés en résidence surveillés depuis la fin 2012.

Le programme de remise aux normes environnementales de l’aciérie de Tarante a été confié par le Commissaire Bondi à l’ex ingénieur en chef et administrateur délégué du groupe italien Lucchini, M. Erder Mingoli, 73 ans, doté d’une expérience à la fois européenne et globale de la production d’acier. Un budget de près de 1,8 milliards d’euros sur trois ans (2013 à 2015) lui a été alloué pour réussir l’opération de remise aux normes environnementales et de sécurité de la plus grosse aciérie d’Europe.

50M€ saisis par l'Etat

Le passage en force de la justice de Tarante pour tenter de faire revenir vers la filiale Ilva Rivafire du groupe Riva les moyens financiers indispensables à la suite du programme de remise aux normes du site a provoqué une réaction inattendue de la direction de l’aciériste, aussitôt suivie par une saisie confiscatoire de 50 millions d’euros par le ministère des finances italien, soit moins de 10% des 600 millions d’euros encore réclamés par la justice pour poursuivre le plan de rénovation de Tarante.

Ce que le Président de la Fédération italienne de l’acier M. Antonio Gozzi qualifie de « décision de justice sans précédent » à cause de ses conséquences économiques et sociales prévisibles à court et moyen terme pour l’acier italien est toujours considéré par les écologistes de la péninsule latine comme une décision salutaire pour la population de Tarante tant du point de vue de la justice que du point de vue économique, lorsque la crise sera passée. Mais en attendant, la situation est jugée « kafkaïenne » par le premier italien Enrico Letta, relèvent nos confrères du Corriere della Serra, après la manifestation des travailleurs de chez Riva à Verone.

Le groupe Riva comprend aussi via sa filiale Riva Fire SPA cinq filiales françaises de Riva Acier, Iton Seine, la Sam, ALPA, ACOR et la SOCOVA, spécialisées dans la production et le négoce de produits longs en acier pour la construction. En 2011, Riva Acier France a généré plus d’un milliard de chiffre d’affaires.

C.J. avec l’aide de nos correspondants italiens

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Mis à jour (Vendredi, 04 Novembre 2016 14:14)