PARIS (MPE-Média) - La Chambre de commerce du Tribunal de Strasbourg a pris la décision ce matin de donner en délibéré le  19 décembre sa décision finale concernant l’offre de reprise d’ASCOVAL (Valenciennes - Saint-Saulve, ex filiale de Vallourec et d’Ascométal) par le groupe franco-belge ALTIFORT. Bruno Lemaire a confirmé au juge alsacien le soutien de l'Etat à ce plan de reprise. Annonce dans 7 jours.

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Saint-Saulve : Une aciérie au top niveau des technologies de production d'acier (Photo CJ Archives MPE-Média)

Strasbourg et son Tribunal de commerce réunis ce matin autour du dossier d'ASCOVAL remettent en délibéré jusqu'au 19 décembre matin l'annonce de la décision d'acception du projet de reprise de l'aciérie ASCOVAL Saint-Saulve (Nord) par le groupe franco-belge ALTIFORT. Le Ministre de l'Economie Bruno Le Maire et ses conseillers industrie ont annoncé que l'Etat bouclerait le plan de financement final avec un montant de 25 M€ et sans l'ex holding de l'aciérie nordiste, Vallourec, toujours en difficulté en bourse. Vallourec va donc sortir du dossier.

Unanimes, les quatorze parties prenantes dont le repreneur potentiel ALTIFORT, ses propres conseils, les représentants des investisseurs, ceux du personnel d'ASCOVAL et son PDG Cédric Orban ont pu présenter à la Juge en charge du dossier des perspectives très positives de reprise et de développement des ventes de l'aciérie de Saint-Saulve, qui devrait pouvoir changer de mains dès la fin janvier, avec un portefeuille de clients solide et diversifié entre les plus gros demandeurs d'aciers spéciaux et ceux qui représentent de quoi faire tourner l'usine entre les principales commandes, nous confirme une source proche du sujet.

Le bref retour sur les faits passés que voici nous semble utile à ce stade :

« Après que le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a décidé, le 29 janvier dernier, d'attribuer à Schmolz + Bickenbach l'ensemble des actifs d'Ascometal Asco Industries, à l'exception de l'aciérie Ascoval, une période s'ouvrait pour permettre à un éventuel repreneur de proposer une solution assurant un avenir pérenne à cette usine », expliquait en septembre dernier la porte-parole du groupe Vallourec.

« Dans ce cadre, le Groupe a été sollicité par Altifort pour subventionner à hauteur de 51 Millions d’euros son offre de reprise d'Ascoval. Au terme de l'examen de cette demande, Vallourec a communiqué aux administrateurs judiciaires, en charge de la procédure, qu'il ne lui était pas possible d'accéder à cette demande », poursuivait la même source. De plus, Jean-Pierre Floris nommé responsable de l'industrie et des restructurations à Bercy en mai 2017 émettait alors un avis défavorable aux deux plans de reprise en lice dont celui d'Altifort, malgré un carnet de commandes très fourni jusqu'en 2020 au moins selon nos sources, par crainte de reproduire ce qu'il percevait comme une erreur du passé, l'accord donné à Franck Supplisson lors de la cession d'ASCOMETAL par Arnaud Montebourg, alors ministre à Bercy, sans comparaison possible avec l'actuel plan ALTIFORT.

Le recours aux capitaux de Vallourec posait problème en octobre à l'ex holding d'ASCOVAL, dont le Président du directoire M. Crouzet avait choisi de mettre en balance l'intérêt de ses actionnaires allemands d'HKM plutôt que la sauvegarde de l'emploi d'une aciérie électrique bien plus écologique que celles de ces derniers à Duisburg, l'ex fief de ThyssenKrupp, encore au charbon et au minerai de fer à l'anciene. Or ce ne sera plus nécessaire.

 

Des annonces de Vallourec jugées inexactes

Les déclarations de Vallourec étaient jugées inexactes par nos sources et par les acteurs français ou européens du marché qui ont passé de nombreuses commandes à ASCOVAL ces dernières semaines, à des prix jugés très compétitifs depuis la France comme depuis d'autres pays d'Europe. "Les salariés d'Ascoval ont été blessés par le sentiment d'être abandonnés par le groupe Vallourec. Ils ont accepté des concessions significatives pour permettre au repreneur potentiel de finaliser son plan d'affaires avant de le déposer le 6 décembre dernier à Strasbourg", a-t-on appris récemment.

« HKM aurait été fragilisée par le transfert permanent de blooms - brames d'acier NDLR -  à Ascoval et faisait donc pression sur son partenaire français Vallourec pour faire fermer cette usine, ceci expliquant largement la position de Vallourec », continuait Marcel Genet qui précisait que Vallourec prend en fait un risque réel en s'approvisionnant exclusivement auprès de l'aciériste allemand HKM, une aciérie intégrée traditionnelle avec hauts-fourneaux et cokerie, qui produit quatre fois plus de CO2 par tonne d'acier que l'aciérie électrique d'Ascoval bien rénovée, qui recycle de la ferraille achetée en France et économise ainsi de l'énergie et des émissions de gaz. Mais HKM bénéficie de droits d'émissions gratuit délivrés aux sidérurgistes par Bruxelles tout comme à d'autres aciéristes traditionnels.

« Le problème est effectivement très complexe et dépasse largement les frontières de la France », réagissait en réponse à nos questions cet automne le PDG de Laplace-Conseil et expert international de l’industrie de l’Acier Marcel Genet, sollicité à ce sujet depuis par ALTiFORT et par un consultant allemand basé à Paris, le groupe Roland Berger, qui devait remettre en novembre un rapport à Bercy sur la nouvelle offre de reprise d'ALTIFORT, auquel ne manquait alors que l'engagement formel de l'Etat via BPI France. Engagement qui est acquis depuis le 10 décembre, selon nos informations.

 

Vallourec devenu plus proche de ses partenaires allemands

« Vallourec est française de nom et de siège mais est devenue allemande pour le pouvoir réel et en particulier dans l’usine de HKM, joint venture entre ThyssenKrupp à 50%, Mannessmann à 30% et Vallourec à 20%. L’accord entre les trois parties est un accord de « Take & Pay ». Chaque partenaire paie sa cote part des frais fixes de l’usine plus les frais variables pour les tonnes enlevées », expliquait récemment Marcel Genet. D'autre part, la valeur en bourse de l'action Vallourec est toujours au plus bas et son bilan comptable le plus récent indique des signes d'inquiétude pour ses résultats sur les marchés de l'énergie US et au Brésil, peut-on lire ailleurs.

Autre problème rencontré par les dirigeants d'ALTIFORT, le peu de motivation des dirigeants et investisseurs français à se porter candiat à des prises de participation ou à passer des commmandes au site nordiste. Interrogé hier par nos soins, le Président de l'UIMM Philippe Darmayan, par ailleurs Président de la filiale française d'ArcelorMittal, refuse de commenter le dossier, expliquant que ASCOVAL et VALLOUREC font partie de ses adhérents et qu'il ne doit pas être juge ou partie dans ce dossier.

« Vallourec avait raison de dire que le financement du projet Altifort était du coup encore loin d’être assuré et que cela posait alors une fois de plus le problème de l’absence d’investisseurs français intéressés par l’acier en France. Rien de nouveau sous le soleil », concluait M. Genet, qui avait tenté dès février 2018 de réunir des porteurs de solution pour éviter tout risque de fermeture de cette aciérie, sans réponse à l'époque du gouvernement français ni des fédérations patronales de la sidérurgie à Paris. Ses efforts pour soutenir la reprise par le franco-belge ALTIFORT semblent à présent pouvoir porter leurs fruits.

 Bart Gruyaert, DG d'Altifort, repreneur potentiel d'Ascoval (Source Fce-Info TV)

Le Pdt des Hauts de France Xavier Bertrand en pole position

De leur côté, les dirigeants d’Ascoval et les élus des Haut de France dont leur Président de Région LR Xavier Bertrand en pole position jusqu'au début décembre et lundi dernier sur ce dossier à Bercy, face au Ministre Bruno Lemaire, ex LR devenu macroniste, se sont réunis maintes et maintes fois et encore récemment : « Une réunion entre Altifort, les banques, la Région Hauts de France, et la Métropole de Valenciennes s’est tenue le 10 décembre et auparavant le 29 octobre pour finaliser les derniers éléments de l’opération présentés ce mercredi au Tribunal de Grande Instance de Strasbourg. 

« Le plan de financement de près de 150 millions d'euros est à présent finalisé. Trois banques ont déjà émis un avis favorable à leur participation, auxquelles s'ajoute celle de l'Etat et de nouvelles commmandes fermes, notamment du groupe anglais Liberty House que dirige Sanjeev Gupta. Le projet d'Altifort construit autour d’une filière complète, auquel le repreneur ajoutera l'installation neuve d'un train à fil d'acier qui sera unique en France, est robuste industriellement, commercialement et économiquement. Cette solution préserve non seulement les 281 emplois d’Ascoval, confirmés ce matin par le Président d'ASCOVAL Cédric Orban et en créera 133 nouveaux, sans compter le fait de maintenir les interconnexions d’Ascoval avec d’autres sociétés dans la région des Hauts-de-France, où plus d’un millier d’autres emplois indirects sont concernés », nous avait alors expliqué Cédric Orban. C'est cette coalition d'intérêts qui  aura fait basculer la décision du Tribunal de commerce de Strasbourg vers une reprise par Altifort à confirmer formellement le 19 décembre.

 

Worldsteel en visite à l'automne 2012

Pour bien comprendre le dossier Ascoval, il faut regarder son histoire. Pour rappel, créée en 1975 voici 43 ans par le groupe Vallourec, l’aciérie de Saint-Saulve près de Valenciennes, spécialisée dans les aciers spéciaux (haute qualité), était destinée à alimenter les usines exclusivement de ses deux actionnaires (Vallourec à 40% et Asco Industries à 60%) », précise la porte-parole d’Ascoval et d'Altifort.

En 2012, l'aciérie nordiste avait été visitée par les membres de worldsteel, l'association mondiale des producteurs d'acier réunis en congrès à Paris cette année-là, visite à laquelle MPE-Média avait participé.

« Avec le soutien des salariés et des syndicats, la nouvelle équipe de direction arrivée en 2017 conduite par Cédric Orban a depuis 2 ans considérablement amélioré les performances pour permettre au site de production de passer d’un modèle de coopérative de production pour ses deux actionnaires et clients à un modèle d’entreprise centre de profit, active sur le marché. Les coûts de production ont été réduits de plus de 30% de 400 à 270 €/t, après de nombreux efforts des salariés - et sans plan social - pour améliorer la production et la compétitivité », ajoute la porte-parole d’Ascoval et d'Altifort Véronique Pernin.

Selon nos sources, ASCOVAL a reçu récemment de nouvelles commandes du groupe anglais Liberty House dirigé par Sanjeev Gupta, dont le holding vient par ailleurs de prendre le contrôle de plusieurs sites de production d'acier européens du groupe ArcelorMittal, que ce dernier devait céder à un tiers pour pouvoir acquérir l'aciérie ILVA de Tarente (Italie). Sujet sur lequel nous reviendrons sous peu dans notre lettre, Aditya Mittal, Président d'ArcelorMittal pour l'Europe et directeur financier du géant de l'acier nous ayant déclaré le 11 décembre que la promesse d'achat était signé avec Sanjeev Gupta mais que le prix de ces cessions imposées par Bruxelles n'était pas encore fixé formellement.

Enfin, c'est loin d'être anecdotique, il y a l'effet Gilets jaunes, le climat social actuel étant peu propice à l'acception par les français d'un plan social d'envergure touchant des centaines de familles, ce que la récente venue d'Emmanuel Macron dans le Nord à quelques kilomètres de Saint-Saulve pour les commémorations du 11/11/1918 permettait aussi d'anticiper. Comme le disait Hyppocrate, "primum non nocere", d'abord, éviter de nuire. Ensuite, la volonté de transformer et de réussir des salariés et des porteurs de projet pourra faire le reste.

 

Christophe JOURNET

Rédacteur en Chef de MPE-Média


Voir aussi sur :

Ascoval-Teaser-lower-quality.mp4

http://www.ascoval.fr

https://altifort.com

 

 

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Mis à jour (Lundi, 17 Décembre 2018 18:24)