PARIS (MPE-Média) – Les dirigeants de FEDEREC étaient accueillis au Sénat ce 27 septembre par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et son secrétaire le sénateur de Haute-Savoie Cyril Pellevat, pour débattre en colloque des enjeux du recyclage dans la période où la valeur des matières recyclées reste volatile. Détails.

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GD : MM. Manuel Burnand, directeur de FEDEREC, François Excoffier, Président de FEDEREC, Cyril Pellevat, sénateur de Haute-Savoie, Patrick Kornberg (FEDEREC métaux), Olivier François (EuRIC et FEDEREC - Ph MPE-Média)

Ce colloque de rentrée abordait les enjeux actuels du recyclage pour les entreprises, les collectivités, les citoyens et pour l’emploi, autant dire une large série de questions à travers plusieurs grands thèmes, dont ceux des nouvelles filières à responsabilité élargie producteurs (REP), leur actualité, la question de la propriété des nouvelles matières premières issues du travail des recycleurs, l’augmentation préoccupante des incendies causés par le présence de piles ou batteries au lithium dans des ferrailles voire d’autres sortes de déchets.

 

Au programme du jour, la question des REP, dont celle des déchets du bâtiment et la REP VHU, ainsi que la REP emballages qui posent encore problème aux recycleurs : « Les acteurs de ces filières ont proposé que les barêmes de soutien aux collectivités puissent être revus en fonction des niveaux des marchés très fluctuants, trop volatils », explique le directeur général de FEDEREC Manuel Burnand.

 

Pour François Excoffier, qui préside FEDEREC depuis bientôt un an, « les REP financières, oui, mais les REP opérationnelles, non », a-t-il déclaré en évoquant un véritable « casus belli » avec les éco-organismes, à éviter lors de la finalisation des statuts des nouvelles règles régissant ces sociétés de droit privé chargées du contrôle des filières concernées, tels que Citeo (ex éco-emballages) qui cherche actuellement à récupérer une partie de la valeur des matières recyclées, jusqu’ici propriété des entreprises qui les ont collectées, triées et transformées sous contrat avec les collectivités pour leur donner une seconde vie possible.

 

"CITEO ne doit pas prendre possession des matières" 

« CITEO ne doit pas prendre possession de la valeur des matières issues de cette filière REP emballage au détriment des collectivités et des acteurs du recyclage. L’opérationnalité des éco-organismes comme CITEO n’est pas souhaitable. La profession s’est trouvée embarquée dans un système de minimas en pleine crise sanitaire, ce qui n’est pas correct », déclare le Président de FEDEREC.

 

Côté REP Véhicules Hors d’Usage, FEDEREC estime par ailleurs à près de 500 000 le nombre de véhicules hors d’usage qui ne rentrent pas chaque année dans la filière légale définie par la nouvelle REP : « Il faut que ce nouvel éco-organisme puisse clarifier les choses, proposer des contrats à la filière, obtenir une révision des directives européennes vingt ans après avec des textes réactualisés avec leurs transcriptions en droit national », explique Manuel Burnand. Là aussi, la question de la propriété de la matière issue du recyclage doit être clarifiée.

 

« Le trou dans la raquette »

« Toute une série de VL quittent le territoire sans passer par le circuit des casses automobiles, c’est un vrai problème : FEDEREC suggère que les recycleurs puissent expertiser ces véhicules avant qu’ils échappent au circuit des VHU », nous précise Manuel Burnand. Pour Olivier François, qui traite de ces sujets à l’échelle européenne pour la confédération EuRic, « L’UE a découvert que le problème était lié au fait que le ministère de l’intérieur est en charge de la désimmatriculation des véhicules hors d’usage, or il faut que ce ministère assure son pouvoir régalien ce qu’il ne fait pas, c’est le trou dans la raquette ! là il y a un vrai problème, identique dans les autres pays d’Europe. La Commission va travailler pour associer les ministères des intérieurs à la réforme de cette filière ».

 

« L’idée n’est pas de se confronter. D’un côté on a un modèle existant qu’il faut faire évoluer, de l’autre on a deux modèles qu’il faut faire évoluer », note François Excoffier, qui demande « la simplification et pas la complexification du lien entre filières et éco-organismes ».

 

Concernant la REP déchets du bâtiment et des travaux publics (BTP), FEDEREC parle d’une REP « bien mature », incluant des acteurs responsables et la recherche d’un équilibre économique avec des solutions pertinentes, avec des emplois à la clé : « Des travaux sont en cours sur la traçabilité des matières », ajoute Manuel Burnand.

 

Là aussi, FEDEREC demande une égalité de traitement entre déchèteries publiques et privées et que les qualifications ISO soient prises en compte d’une même façon. Là aussi la question de la propriété de la matière pose question. « Il faut se donner plus de temps pour sortir par le haut de cette question », déclare le DG de FEDEREC.

 

Hausse des incendies causés par les piles au lithium dans les déchets

En fin de colloque était abordée le problème de la multiplication des incendies dans le secteur de la valorisation des déchets, phénomène qui inquiète, provoqué par la prolifération des objets de grande consommation à caractère dangereux comme les batteries et piles au lithium ou les cartouches de protoxyde d’azote. Près de 150 incendies par an ont été constatées en France ces dernières années, soit autant chaque année que durant les trente années précédentes.

 

Cette dernière question présentée par Olivier François Vice-Président d’EURIC durant le colloque est de plus en plus grave, le nombre de sinistres explosant dans les centres de tri : « Par exemple, les mini piles incluses dans les brosses à dents électriques qui ne peuvent pas être séparées de leurs supports sont mélangées aux autres déchets et mettent le feu aux lots lorsque le litium entre en contact avec de l’eau », explique Olivier François. Ces incendies posent aussi des problèmes avec les assurances qui cherchent à augmenter leurs tarifs suite à ces constats.

 

Des échanges ont lieu entre FEDEREC, les Préfets et les responsables des centres de secours français, notamment pour demander aux Préfets de mettre en place des interventions des pompiers dans les centres de tri pour imaginer et prévoir des moyens de réduire ces incendies dans les lieux de stockage des déchets pouvant contenir ce type de batteries et piles mal triées.

 

La propriété des nouvelles matières issues du recyclage, une question clé du moment

« La propriété des matières recyclées : à qui revient-elle ? » La question revient périodiquement pour chaque filière du secteur « déchets » et n’est pas encore clairement abordée, mais se pose de nouveau ces jours-ci, suite à la révision en cours des statuts des éco-organismes : « Depuis la crise sanitaire tout le monde réclame la propriété des nouvelles matières premières. Or c’est l’ADN de nos métiers, c’est un casus belli ! nous paupériser dans ce sens-là, c’est non. C’est impossible de rentrer dans ce modèle là, où le producteur initial va bénéficier de la valeur des matières recyclées. On sait bien que ce qui fait le recyclage en France, c’est très lié au fait de ne pas baisser les bras et de bien restituer la valeur de leur travail aux recycleurs », déclare François Excoffier. « Notre métier est de fournir des ferrailles venant des différentes secteurs d’activités pour les fournir esuite aux industriels de l’acier moyennant un prix précis payé à la tonne livrée », illustre le directeur général de la fédération.

 

Des années 70 à ce jour, un débat sous-jacent jamais tranché par les pouvoirs publics

Historiquement, cette question de la propriété des matières recyclées a toujours été sous-jacente et remonte selon nos sources à l’époque où les verriers ont tenté de s’opposer à la création des sociétés agréées et éco-organismes, et se sont vus imposer le versement d’un prix à la tonne triée par l’État. Le même principe devait être appliqué ensuite à toutes les matières résultant de contenus liquides (plastiques, acier, aluminium, etc.) : d’où est né Éco-emballages, puis Adelphe, filiale d’Éco-emballages devenu depuis CITEO, installé depuis dans le 8ème arrondissement de Paris. Les pouvoirs publics avaient initialement transféré le traitement des collectes et du traitement des déchets aux collectivités dans les années 70.

 

Ce que revendiquent les éco-organismes c’est bien la propriété de la matière recyclée. Le contrat Citeo prévoit que la société agréée verse aux collectivités un prix à la tonne triée d’après un barême qui fixe le prix à la tonne de la matière collectée et triée, somme en partie reversée aux éco-organismes et aux collectivités si celles-ci signent la case ad hoc dans le contrat avec CITEO ou les autres éco-organismes, ou reversée seulement aux collectivités et aux entreprises et fédérations du recyclage mais sans prime à la tonne versée aux communes par CITEO.

 

Les consommateurs des matières premières (industriels du papier, des plastiques, des métaux) ont toujours eu intérêt à ce que les prix d’achat soient modiques et intéressants pour eux. L’arrivée des éco-organismes au milieu de ce jeu d’acteurs économiques a créé une vraie distorsion de concurrence dans ces marchés et il a fallu que les recycleurs montrent en 2004 aux pouvoirs publics qu’une modalité de garantie de reprise était nécessaire pour que les collectivités puissent s’organiser avec les entreprises du recyclage et pour développer le traitement des déchets d’une façon circulaire en réduisant l’enfouisssement. Depuis, collectivités, metteurs sur le marché cantonnent les recycleurs dans le rôle de prestataires de service plutôt que dans la réalité de leur rôle qui est de recréer des nouvelles matières premières à partir des anciens « déchets » réutilisables une fois collectés et triés par sortes de matières. Conférer aux éco-organismes un droit de propriété sur ces nouvelles matières casserait les marges des entreprises du recyclage et freinerait considérablement le développement de l’économie vraiment circulaire dans l’hexagone au lieu de soutenir les efforts des collectivités et des industriels pour mieux valoriser et réutiliser les anciens déchets.

 

D’autres réalités comme la difficulté du recrutement de personnels qualifiés ou non sont en cours d’examen dans la période : « Toute une série d’outils ne sont pas assez connus. Il y a ainsi une pénurie de chauffeurs. Un souci d’attractivité du métier. L’observatoire des métiers du recyclage note pourtant que nous sommes un métier fortement pourvoyeur d’emplois. La journée mondiale du recyclage est un temps fort de cette démarche tous les ans en mars », explique Manuel Burnand. Les sénateurs suivent aussi de près ces questions d’emploi dans un secteur où plus de 8 000 offres ne trouvent pas preneur ces dernières semaines, alors que Pôle Emploi voit le nombre de chômeurs formés ou non augmenter en 2021 et pourrait se voir obligé par l’État à réduire les aides accordées jusqu’ici à ceux qui cherchent du travail. Là aussi le Sénat pourrait avoir une belle carte à jouer.

 

Christophe JOURNET

Rédacteur en chef de MPE-Média

 

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