PARIS (MPE-Média) – L’usine Rio Tinto Alcan Aluminium-Péchiney de Saint-Jean-de-Maurienne (650 ETP, 230 intérimaires compris) vient d’obtenir un contrat de fourniture d’électricité compétitif avec EDF pour 2014-2025, déclare la CFE-CGC dans un communiqué à la presse diffusé ce jeudi. Un virage que le syndicat attribue à l’action concertée des instances politiques nationales, locales et des acteurs de la filière.

Présentée dans le cadre d’une commission économique après question des élus, la direction de Saint-Jean-de-Maurienne (SJDM) a parlé aux syndicats d’une proposition de tarif d’électricité d’EDF pour le futur contrat courant après 2014 qui serait selon nos sources « la plus intéressante de ces dix dernières années », et permettrait à l’usine de dégager du cashflow positif jusqu’en 2025. SJDM est spécialisée dans la production de fil d’aluminium laminé à chaud de 15 à 16 mm de diamètre.

Cashflow négatif en vue

Les premiers clients de SJDM sont Nexans et Pirelli (cableurs). Mais de 2013 à 2015, la direction du site craint d’être en « cashflow négatif ». En effet, selon la direction citée par nos sources, en complément de ce nouveau contrat, l’usine de Saint-Jean aurait besoin de 50 Millions de dollars (M$) d’investissements pour améliorer sa compétitivité. 

« Cependant les installations se dégradent, l’usine est en danger à court terme», ajoutent les syndicalistes.

La CFE-CGC rappelle à cette occasion que cette usine a gagné 600 M$ sur les 10 dernières années. Et que le groupe Rio Tinto a réalisé en 2011 un résultat opérationnel de 15,5 Milliards de Dollars. Toutes proportions gardées, bien sûr.

La CFE-CGC demande donc que « les 50 M$ d’investissements nécessaires soient engagés en 2012 par Rio Tinto, au regard des 7.700 M$ distribués cette année aux actionnaires ».

"La double chance de Rio Tinto"

Salarié du site de la SAE de la Bâthie en cours de vente à HIG, François Hommeril est aussi délégué national fédéral CFE-CGC français et délégué européen du groupe Rio Tinto Alcan : « Rio Tinto a eu la double chance d’être assis sur un gros tas de minerai australien et d’être porté par le développement de la Chine, du fret. »

« Mais lorsque les cours des matières a explosé suite à la demande chinoise, la donne a changé. Aujourd’hui, après que Rio tinto a acheté Alcan 37 milliards de dollars et en a provisionné 12 en moins-value, ils ont vendu pour l’équivalent de 5 Mrds$ à Constellium les profilés et emballages. La partie alumine, ils vont la donner, peut-être même donner de l’argent au repreneur, car ce n’est plus leur objectif », fait remarquer F. Hommeril, en ajoutant que le vrai problème de l’aluminium européen, français, est ailleurs.

« On ne peut plus se contenter de regarder par le petit bout de la lorgnette. Pour l’énergie, et les électro-intensifs, une réflexion politique engagée voici quelques années en Europe laissait penser que le volume d’électricité disponible allait se réduire. Mais ce n’était pas la problématique. Tout le monde a cru que le nucléaire allait nous en libérer et cela s’avère faux », poursuit-il en notant au passage que cette erreur expliquait à elle seule l’abandon par le DG de Rio Tinto de ses bonus en 2011.

L’équilibre entre demande et coût de l’énergie

Plus importante que la question de la revente ou non de Saint-Jean-de-Maurienne est donc bien la question de l’équilibre entre l’évolution de la demande européenne d’aluminium primaire plat ou long ou composite et celle des coûts d’accès à l’énergie en production pour ce métal électro-intensif, dont le budget énergie est passé de 30 à 40% du coût du semi-produit fini en l’espace de moins de cinq ans.

Alcoa a fermé des "smelters" d'aluminium aux USA et veut à présent en fermer en Espagne et en Italie, où les discussions ont échoué cette semaine entre le leader mondial de l'aluminium, le gouvernement de M. Monti, les dirigeants européens et les syndicats sur cette même question des ratios et coûts de l'énergie électrique consommée par le site de Portovesme, en Sardaigne.

Si la nouvelle d’un meilleur contrat 2014-2025pour l’usine de la Maurienne et ses 660 emplois s’avère juste, malgré ce que prépare le régulateur européen sur ce terrain pour le début 2013, alors oui, c’est une bonne nouvelle.

Si Rio Tinto Alcan ou un éventuel repreneur pour un euro symbolique doit accepter dès 2013, avant le nouveau tarif EDF de 2014, de payer les surtaxes « vertes » anti-émissions de CO2 – les ETS européennes - et au titre de la décarbonation de l’industrie, alors les logiques vertes auront eu définitivement raison de l’aluminium européen.

« Les deux tiers des capacités européennes de production d’aluminium primaire tomberont en quelques semaines et il ne restera plus qu’un petit million de tonnes en sursis en Europe », s’évertue à plaider à Bruxelles Patrick de Schrynmakers, le délégué général de l’EAA, l’association européenne des producteurs d’aluminium. Verdict à la fin 2012.

Christophe Journet

http://ec.europa.eu/clima/policies/ets/index_en.htm

Retour vers le haut

Mis à jour (Jeudi, 10 Novembre 2016 15:32)