PARIS (MPE-Média) – L’acier, le cuivre, l’aluminium de première fonte ont vu leurs prix baisser fortement ces dernières semaines, au point d’entamer les marges des producteurs en frôlant 95% des courbes de coûts de production, les usines tournant au ralenti face à une demande atone. La crise s’installe en profondeur et marquera durablement l’après Covid-19 de 2020. Explications sur un tournant de marché critique.

Les Fédérations industrielles et les Unions syndicales de l’acier, de l’aluminium, des autres métaux non ferreux tirent des sonnettes d’alarme à Bruxelles : Si rien n’est fait par la Commission européenne pour protéger le marché des 27 lorsque la Chine reprendra ses niveaux moyens d’activité, l’attrait des prix de ses exportations qui devrait aller croissant en 2020 et 2021 pourrait être fatal à ce qui reste de sites de production de métaux en Europe, dont un bon nombre sont à l'arrêt ou presque à ce jour à cause de la pandémie en cours. Avec le risque que s'esquisse une forme de concurrence déloyale entre site européens comme ceux de Fos-sur-Mer et de Tarente en Italie, qui tentait de repartir avant le Covid-19.

 

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Les arrêts de production dans l’automobile européenne freinent la demande réelle à raison d’à peine moins d’un million de tonnes d’acier et de 200 000 tonnes d’aluminium par jour (sources Platts, worldsteel, EAA, Ducker)

 

Parmi les indices à observer pour vérifier l’ampleur d’une crise, la réduction de l’écart entre le prix du minerai de fer livré en Chine (70-80$/tonne ces jours-ci contre 90-100$/t. voici quelques mois) et le prix des ferrailles livrées aux sidérurgistes en Turquie (210-225$/t. ces derniers jours) est aussi révélateur que la réduction de l’écart de prix entre le baril de pétrole Brent (33,05$ ce mardi) et celui du baril de pétrole US West Texas Intermediate (WTI, 26,08$ ce mardi). Dans les deux cas il est question de corrélation entre les volumes des stocks de ces commodités disponibles sur les marchés globaux et la volonté des producteurs de métal ou de dérivés du pétrole de rapprocher l’offre de la demande réelle. Or celle-ci s’effondre dramatiquement partout dans le monde.

 

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L’écart de prix entre la ferraille turque et le minerai de fer s’est réduit (Source Kallanish)

Dans un monde globalisé, aucune région ne peut rebondir et accepter des hausses de prix permettant d’assurer des marges aux producteurs sans que la reprise ait lieu simultanément ou presque dans les autres régions économiques.

 

Les bobines à chaud à 486$/tonne en Chine contre 521$/t. en Europe

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(Source Bank of America Research)

Actuellement, le prix des bobines d’acier laminé à chaud est tombé à 486$/tonne en Chine, pour 521$/t. en Europe et 599$/t. aux États-Unis contre respectivement 568$/t. l’an dernier en Chine, 537$/t. en Europe, 607$/t. aux États-Unis, rendant l’acier chinois de nouveau plus compétitif que celui des autres provenances (source Bank of America) ; Les prévisions pour 2020 anticipent une nouvelle baisse du prix de l’acier européen (en dessous des 500$/t.), une quasi parité de prix chinois et US (autour de 535$/t.) hors taxes et mesures barrières visant à freiner les exportations chinoises vers le reste du monde. Résultat : l’Europe ferme ses aciéries, l’Amérique poursuit sa mutation écologique vers des aciéries électriques et consommera davantage ses propres ferrailles, tandis que la Chine devra baisser de nouveau ses prix dès la fin 2020.

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Exemple pour le cuivre : Près de 22,5%, soit à peine moins du quart de la productions mondiale de cuivre est touchée par la pandémie en cours, à la fois du côté des mines et des déchets du métal rouge, expliquent les analystes de Banque d’Amérique (Source Bank of America)

 

Le prix du cuivre, toujours marqué par la guerre sino-américaine de 2019

Anticipé à près de 5 300 dollars/tonne en moyenne annuelle pour 2020 et 6 250$/t. pour 2021, le prix du cuivre (4 846$/t. actuellement, 3 800$/t. au 2ème trimestre) reste marqué à la fois par la récente guerre commerciale globale et par la contraction de la demande chinoise en 2019 avant la pandémie en cours, ainsi que par des stocks encore en légère surcapacité.

Ajoutons que la ressource en scraps de cuivre baisse en général lorsque la croissance mondiale et les prix du cuivre sont sous pression, ce qui pourrait provoquer une baisse estimée des volumes de cuivre à recycler disponibles de près de 400 000 tonnes s’ajoutant au déficit de cuivre issu des mines.

Les analystes de Banque d’Amérique précisent qu’il ne peut y avoir de retournement de tendance pour le cuivre que lorsque la Chine ET les autres pays de monde retrouveront ensemble la croissance. C’est ce qui est arrivé fin 2016-2017 après le point bas de 2015, la Chine n’en étant qu’à une légère reprise et l’Europe et les États-Unis accusant tout juste le choc du Covid-19 avec – 7,6% de croissance en moins pour la première et – 6% pour les seconds.

 

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Prix de l'aluminium, du cuivre et stocks visibles (Bank of America recherche)

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Prévisions de prix des commodités minières (Bank of America Research)

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Prix et prévisions de prix du pétrole et du gaz (Bank of America Research)

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Prix du plomb, du nickel et stocks visibles de ces métaux (Bank of America recherche)

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Prix de l'étain, du zinc et stocks visibles de ces métaux (Bank of America recherche)

 

Les achats chinois à -21% au début 2020

Durant les deux premiers mois de 2020, les acheteurs chinois ont réduit leurs achats de 21% sur un an. Très dépendante de ses exportations de biens contenant du cuivre, la Chine devrait donc attendre que les autres régions du monde puissent à leur tour sortir du confinement et retrouver un rythme moyen de croissance appréciable, laquelle est à présent liée aux mesures étatiques de soutien aux économies nationales. Lesquelles dépendent des politiques de taux acceptées par les banques centrales.

L’aluminium continue de son côté à baisser à 1 424,40$/tonne cash au London Metal Exchange, les prix du scrap d’aluminium nord-américain étant aussi en baisse de 14,1% (hors cannettes). Pendant ce temps, le Comptoir national de l’or note un record historique pour le Napoléon le 6 avril à 319 euros, franchissant pour la 1ère fois la barre symbolique des 300 euros, palier qu’il n’avait que frôlé en 2011. Depuis le début de l’année son appréciation est de 23%. En 2014, dans une étude que nous avions réalisée pour Bearing Point sur les enjeux miniers globaux, nous étions arrivés à la conclusion que la planète était parvenue enfin à « la fin de l’âge de fer, au retour de l’âge d’or ». Tout nous laisse penser à présent que la pandémie en cours en 2020 va accentuer encore cette tendance.

 

Christophe JOURNET

Rédacteur en chef de MPE-Média

 

À SUIVRE DANS NOTRE PROCHAINE ET 58ÈME LETTRE MPE-MEDIA

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La CFDT métallurgie inquiète pour l’activité d’ArcelorMittal

 

PARIS (MPE-Média) – Depuis le début de la crise « Covid-19 », les annonces de ralentissements, de mises sous cocon et de fermetures d’installations s’enchaînent au sien du groupe ArcelorMittal en France, alerte la centrale CFDT Métaux, qui craint pour la survie d'une partie des entités françaises du géant de l'acier mondial, dans ce contexte.

Peu après la mise sous cocon en cours de l’ensemble du site de Fos-sur-Mer pour une durée minimale de six mois (2300 salariés en chômage partiel), ce sont deux lignes de galvanisation à Montataire et Mouzon qui vont être mises à l’arrêt pour plusieurs trimestres. À cela s’ajoute également l’arrêt à froid de la cokerie de Florange avant une fermeture définitive dans quelques mois, alertent les dirigeants de la CFDT métallurgie, qui reconnaissent que les mesures barrières contre le Covid sont là. 

 

« Pour la CFDT, il est urgent de s’occuper des salariés qui vont subir la réduction d’activité »

Concernant Fos-sur-Mer, la plupart vont se retrouver au chômage partiel avec une perte de rémunération en attendant une éventuelle reprise de l’activité. Il faudra compenser cette perte de production. La CFDT a déjà proposé plusieurs solutions et attend les réponses de la direction du groupe. 

Pour les lignes de galvanisation, l’organisation syndicale entend agir « pour le reclassement interne de tous les salariés et veillera de très près aux mouvements de personnel. »

Quant à la cokerie, la CFDT dit avoir obtenu la négociation d’un accord social afin qu’aucun salarié ne reste sans solution de reclassement.

Mais au-delà des conséquences sociales que vont avoir les décisions d’ArcelorMittal, la CFDT est préoccupée « par le risque qu’elles font peser sur l’avenir de la sidérurgie. Si l’épidémie qui éprouve la planète appelle des mesures fortes pour contenir sa propagation, les décisions d’ArcelorMittal en Europe et plus particulièrement en France surprennent par leur ampleur. »

S’agit-il de mesures proportionnées à la crise sanitaire ou d’une opportunité saisie par le leader de la sidérurgie mondiale pour peser sur les conditions de son implantation territoriale en Europe, s’interroge la centrale.

Avec l’aide de ses partenaires, la CFDT annonce qu’elle réalisera une analyse des choix et des conséquences industrielles des décisions annoncées par le sidérurgiste. Car plus largement que la sidérurgie, c’est bien la stratégie industrielle européenne et française qui est concernée. En effet, la production d’acier dans beaucoup de domaines est l’approvisionnement en amont des filières industrielles, sa fragilisation expose donc l’ensemble de celles-ci, conclut la centrale. 

 

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Mis à jour (Lundi, 27 Avril 2020 19:09)