PARIS (MPE-Média) – L’accord conduisant à une « offre ferme de reprise » des sites Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) et Castelsarrasin ( Tarn-et-Garonne) par le groupe allemand TRIMET AG a été confirmé officiellement samedi 13 juillet à Saint-Jean-de-Maurienne par le premier ministre français M. Jean-Marc Ayrault, en présence des dirigeants des deux groupes, du PDG d’EDF M. Henri Proglio, futur partenaire du repreneur et des membres du gouvernement, MM. Montebourg et Repentin qui ont travaillé sur ce dossier. Tout le protocole social, financier et juridique reste à établir d’ici à l’automne 2013.

« L’usine est sauvée ». C’est pas ce message à la fois bref, clair et précis, hors de toute considération technique et de montage industriel et financier, que J.-Marc Ayrault et après lui M. Montebourg ont annoncé à toute la vallée de la Maurienne, aux personnels de l’usine de Saint-Jean et aux sous-traitants du site de production de fil d’aluminium Rio Tinto Alcan (fondé par Péchiney au siècle dernier) qu’une solution de reprise de l’usine allait pouvoir être mise en œuvre.

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Stockage de fils d'aluminium à Saint-Jean-de-Maurienne (ph SD Rio Tinto Alcan archives MPE-Média)

Le producteur et recycleur allemand d’aluminium TRIMET AG, représenté sur place par son premier actionnaire M. Heinz-Peter Schlüter, propriétaire et Président du Directoire du groupe, a en effet annoncé samedi 13 juillet en début d’après-midi avoir fait une offre ferme d’acquisition de deux des sites de production de fils d’aluminium de Rio Tinto Alcan situés en France, ceux de Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie, 470 salariés) et de Castelsarrazin (Tarn et Garonne, 30 emplois) :

« L’accord avec Rio Tinto Alcan reste conditionné par l’approbation du régulateur européen et par la finalisation d’un contrat de fourniture d’énergie et d’un montage parteneurial avec Electricité de France (EDF) », a souligné le porte-parole du groupe Trimet M. Wolfgang Nübold, ajoutant que BNP Paribas et le consultant juridique Luther & Jeantet avaient conseillé le groupe avant confirmation de l’offre.

« Il y a une très forte demande pour du fil d’aluminium dans l’industrie manufacturière européenne. En tant que founisseur d’alliages complexes et de solutions sur mesure, cet ensemble de produits nous permettra de renforcer notre cœur de métier sur le segments des produits spéciaux en aluminium sur le long terme », a précisé M. Martin Iffert, PDG de Trimet.

Le groupe allemand ajoute que l’accord de rachat doit sécuriser « parmi d’autres choses, la fourniture à long terme d’oxyde d’aluminium et d’énergie électrique, conditions clés pour produire de l’aluminium. Le fournisseur d’énergie EDF prendra une participation minoritaire dans les sites de production. Trimet espère développer sa politique de groupe réussie ces dernières années avec les nouveaux sites ».

De 90.000 à 100.000 tonnes de métal par an

En 2012, l’usine de Saint-Jean-de-Maurienne a produit 93.000 tonnes de métal primaire. Elle emploie 480 personnes – sans compter l’effectif en cours de réduction dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi accepté par le gouvernement durant l’hiver dernier NDLR.

L’usine de Castelsarrasin est un centre de coulée spécialisé dans les fils d’aluminium pour applications mécaniques et opérations de soudage. Elle compte 35 employés et produit chaque année quelques 8.000 tonnes de produits finis.

Jeune société de la Rhur fondée en 1987 en développant des activités de recyclage de déchets d’aluminium, Trimet AG a posté un chiffre d'affaires de 1,3 milliard d'euros pour l’exercice 2011-12. Il produit 500.000 tonnes d'aluminium par an et devrait rehausser ses capacités de 100.000 tonnes avec cette reprise selon nos sources.

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Le site savoyard fêtait en 2013 les cent ans de l'aluminium en Maurienne (ph SD)

Plusieurs conditions encore à remplir

Le groupe Rio Tinto Alcan – dont la Présidente Mme Jacynthe Coté avait fait le déplacement en Savoie pour retrouver les officiels français - confirmait samedi en milieu d’après-midi avoir reçu « une offre ferme » de TRIMET, producteur d’aluminium allemand pour ces deux sites français notant qu’il répondrait « après avoir consulté les comités d’entreprise concernés », les termes de l’offre demeurant « confidentiels et conditionnels aux autorisations des autorités compétentes et à la conclusion d’accords de partenariat et de fourniture d’électricité avec EDF, puis un accord de partenariat avec la Banque publique d’investissement (BPI France) ».

Aux dernières nouvelles, un désaccord de fonds sur la participation financière publique française subsiste entre l’ex patron du Fonds Stratégique Industriel (FSI) M. Jean-Yves Gilet et le nouveau Président de Banque Publique d’Investissement France M. Nicolas Dufourcq, dont l’institution existe officiellement depuis vendredi 12 juillet, date de la disparition du FSI auquel BPI France doit se substituer.

 

Plusieurs conditions restent à fixer à l'échelle européenne et française

Les conditions de l’accord d’EDF avec Trimet AG pour la fourniture d’énergie à long terme au site savoyard demeurent encore inconnues, d’autant qu’elles feront l’objet d’une demande d’accord auprès des régulateurs de la Commission européenne, dont on sait qu’elle refuse les plans préférentiels de fournière d’électricité à des conditions inférieures au marché et en tout état de cause l’existence de contrats aidés de plus de cinq ans, ce qui a déjà obligé Alcoa à fermer ses sites européens pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit Rio Tinto Alcan à vouloir céder ces deux sites.

Personne ne peut à l’heure actuelle confirmer que le site savoyard bénéficiera ou non du contrat Exceltium reservé a priori à des projets français, dans le cadre duquel EDF tentait de négocier le mégawatt heure à moins de 40 euros lors de précédentes discussions menées en 2012 avec d’autres partenaires potentiels éconduits par Rio Tinto et le Ministère du RP malgré d’indéniables qualités et point forts dans leurs offres situés sur une perspective mondialisée et non strictement européenne, que soutenait le FSI.

Contacté par nos soins, la direction de BPI France ne souhaite pas communiquer sur ce dossier. Il est toutefois possible de déduire par recoupement que la participation de BPI au capital de la future entité Française de Trimet AG n’excèderait pas 5 à 10% au plus, laissés par l’actionnaire majoritaire à la hauteur de 60% et EDF à la hauteur de 35% contre 40% évoqués dans un premier temps.

 

Les réactions des syndicats sont favorables

Pour la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, la consolidation de ce projet de reprise constitue un réel soulagement : « L’usine d’aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne et la fonderie de Castelsarrasin ont enfin une offre ferme de reprise par l’industriel allemand TRIMET. La CFDT travaille depuis plusieurs années sur les divers axes possibles pour sauver et redonner à la filière aluminium sa juste place dans l’industrie Française », déclarent ses délégués régionaux et d’entreprise.

« Pour nous, il y a toujours un avenir pour la production d’aluminium primaire en France et en Europe. C’est pour cela que l’équipe CFDT de Rio Tinto Saint-Jean-de-Maurienne, se réjouit de cette annonce de reprise qui chasse le spectre d’une fermeture si longtemps redoutée », poursuit la CFDT.

« Ayant rencontré son homologue allemand de l’entreprise TRIMET affiliée à IG BCE à Essen, depuis plusieurs mois la CFDT souhaite poser les jalons d’une relation sociale constructive entre les syndicats pour bâtir un avenir industriel et social pour les sites de Saint-Jean et Castelsarrasin au sein de la société TRIMET », continuent les délégués de la CFDT.

« En même temps que nous remercions le ministre du redressement productif M. Arnaud Montebourg, nous lui demandons de continuer son action en direction des autres sites Rio Tinto Alcan du Laboratoire de recherche sur les fabrications (LRF) proche de l’usine de Maurienne, d’Aluval, de Gardanne, de Dunkerque ainsi que ceux d’ECL et de Carbone Savoie, afin de poser les jalons de la pérennisation de la filière aluminium qui est aujourd’hui menacée », conclut la CFDT.

Le Comité central d’entreprise de Rio Tinto Alcan doit se réunir le 18 juillet à Voreppe (Isère) pour prendre connaissance des conditions précises de l’offre de reprise et des conditions de son application économique, fonctionnelle et sociale encore non explicitées ni rendues publiques à ce jour. Les cadres de Rio Tinto Alcan et Trimet rencontreront les délégués des personnels de Saint-Jean-de-Maurienne et de Castelsarrasin le lendemain à Saint-Jean-de-Maurienne.

« Nous ne savons rien de précis pour l’instant et attendons les réunions de la semaine pour savoir où on va, si l’on garde les accords d’entreprise ou non, quel est le projet du repreneur », souligne M. Jean-Jacques Martin, représentant syndical central CFE-CGC qui évoque des « switchs » à régler dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi en cours décidé fin 2012, lancé au début 2013 et qui concernait l’ensemble des services supports Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne (40 emplois en jeu), du centre et siège social de Voreppe (90 emplois), enfin de Rio Tinto à Paris (10 emplois en jeu à la DG).

 

Christophe Journet


Voir aussi sur :

www.trimet.de

www.riotintoalcan.com/FRA

TARIFS_2013

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