BRUXELLES/PARIS (MPE-Média) – L’industrie de l’aluminium est bel et bien structurellement impactée par les coûts réglementaires de l’Union Européenne, conclut une étude de la Commission européenne dont le résultat a été rendu public ce mercredi 6 novembre. L’association européenne de l’aluminium avait longuement sollicité cette étude. Explications et réactions.

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GD : MM. Philippe Vincent, Jean Grellier, Alain Bocquet (respectivement directeur, président et rapporteur de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la situation des producteurs de métaux en France et en Europe) et De Schrynmakers (ex DG de l'EAA), fin juin 2013 à Paris lors de l'audition de celui-ci par les Députés français sur la réalité des risques encourus par l'industrie de l'aluminium suite à l'eurofiscalité verte et ses excès (ph CJ archives MPE-Média)

 

« Sous la pression du coût induit par les politiques de l’UE, l’industrie européenne de production d’aluminium a perdu sa compétitivité. C’est ce qui ressort d’une étude publiée mercredi 6 novembre par la Commission européenne dans le cadre de son programme d’évaluation (fitness check) du secteur de l’aluminium », ont confirmé hier à Bruxelles outre le Commissaire à l’Industrie M. Antonio Tajani, les dirigeants de l’EAA (European Amuminium Association) et à Paris l’Association française de l’aluminium (AFA) et sa dirigeante Mme Caroline Colombier.

« Le centre européen d’évaluation des politiques publiques (Centre for European Policy Studies) vient de publier pour la première fois une analyse du coût supporté depuis 10 ans par l’industrie de l’aluminium et induit par la réglementation européenne dans les domaines de l’énergie, du changement climatique, de l’environnement, de la concurrence, du commerce et de la production. Cette étude repose sur 46 usines qui comptent pour 60% de la capacité de production européenne », explique le porte-parole de l’EAA à Bruxelles.

Un impact trés négatif des coûts règlementaires

« Les résultats montrent clairement qu’il y a un impact très négatif des coûts liés à la réglementation européenne qui empêche significativement l’UE d’être compétitive au niveau international » déclare M. Gerd Götz, le Directeur général de l’Association Européenne de l’Aluminium, qui a succédé récemment à M. Patrick de Schrynmakers, audité par l’UE ces dernières années dans ce rôle et sous la houlette de qui l’EAA avait obtenu que ce « fitness check » (littéralement étude d’impact) puisse avoir lieu dans un délai aussi court que possible. MPE-Média avait rendu compte de cette démarche entamée à la fin 2012 et évoquée au printemps dernier par M. de Schrynmakers devant les Députés français, dans le cadre d’une enquête parlementaire sur la situation des industries des métaux.

« La demande européenne de solutions à base d’aluminium est croissante alors que la production européenne d’aluminium décroît. Nous remercions le Vice-président Antonio Tajani et la DG Entreprise de porter cette constatation. Il est maintenant temps de trouver une réponse politique forte et immédiate », ajoute M. Götz.

 

La taxation des émissions de CO2 représente 11% des coûts de production

« Le rapport met en lumière les différences existantes entre les alumineries européennes exonérées des coûts induits par la réglementation européenne grâce à des contrats préexistants de long termes et les alumineries pleinement exposées au marché européen de l’électricité et soumises aux contraintes liées à la taxation des émissions de CO2. Ces dernières sont devenues les usines les moins compétitives au monde et font face à une hausse de leurs coûts de production de 228 euros par tonne d’aluminium produite, soit 11% des coûts de production (y compris les matières premières) », poursuit la même source.

L’étude souligne aussi que, parmi les règlementations étudiées, l’impact des coûts indirects du système ETS (coûts supportés par les électriciens et reportés sur la facture électrique des industriels) ainsi que la taxation qui finance les énergies renouvelables sont les principales causes de l’écart de compétitivité de l’industrie européenne avec ses concurrents, précise le porte-parole de l’EAA.

 

Ecart de compétitivité

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Le même jour que M. de Schrynmakers, les Députés français auditionnaient M. Montebourg et lui faisaient part des constats entendus durant leur longue enquête, notamment ceux énoncés le matin même par l'ex DG de l'EAA (ph CJ Archives MPE-Média)

 

Cet écart de compétitivité a entraîné la fermeture de plusieurs usines d’électrolyse entre 2007 et 2012, et l’appareil de production européen d’aluminium primaire a ainsi été réduit de plus d’un tiers - dans plusieurs pays d’Europe, dont l’Italie, l’Espagne, la France NDLR.

Cette baisse de production qui touche l’ensemble de l’industrie menace de nombreux clusters à l’échelle régionale et de nombreuses activités aval bénéficiant de la proximité et de l’expertise des unités de production locales. Néanmoins, cette tendance peut être inversée si l’on veut vraiment voir renaître l’industrie européenne de l’aluminium.

C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, le Président de l’Association Européenne de l’Aluminium, M. Roeland Baan (Aleris), son Directeur général et une délégation de directeurs de l’industrie adressent au Commissaire européen à l’industrie, M. Antonio Tajani, des recommandations concrètes pour redynamiser ce secteur stratégique pour l’Europe.

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Le site de Saint-Jean-de-Maurienne : toujours pas de feu vert de l'Union européenne pour sa reprise par TRIMET AG un mois après le délai prévu et annoncé en juillet par Matignon (ph archives MPE-Média)

Ces mesures doivent selon ces dirigeants industriels de l'aluminium:

- assurer la compétitivité des prix de l’énergie par des politiques industrielles, climatiques et énergétiques saines ;

- sécuriser la disponibilité des déchets, améliorer le potentiel de recyclage de l’aluminium et favoriser l’économie circulaire en Europe;

- maintenir la chaine de valeur industrielle européenne et encourager l’innovation en dynamisant la demande de solutions plus efficaces.

« Nous sommes de fervents défenseurs de la stratégie Europe 2020 et du marché de quotas d’émission pour réaliser les objectifs liés au changement climatique. Mais il est grand temps qu’un renouveau pragmatique de l’UE en matière de politique climatique et énergétique soit amorcé pour stopper les fuites de carbone et la désindustrialisation tout en maintenant les emplois et le leadership technologique européen », continuent les dirigeants de l’EAA.

 

Un enjeu majeur pour l'Union

« L’Europe ne peut se permettre de perdre une industrie qui participe activement à la transition vers une économie peu émettrice de CO2 et centrée sur l’optimisation des ressources » conclut M. Roeland Baan.

En juillet dernier, le Ministre français du Redressement productif M. Arnaud Montebourg avait reçu M. Antonio Tajani à Paris et débattu avec lui du danger représenté par une fiscalité verte fort peu progressive pour l’emploi et la survie des électro-intensifs dans les territoires d’Europe de l’ouest. M. Montebourg avait bien écouté les Députés de la Commission d’enquête parlementaire lui exposer parmi d’autres constats, ceux rapportés au Palais Bourbon de Paris par l’ex DG de l’EAA à la toute fin juin 2013.

La question est à présent de savoir si la publication de cette étude qui confirme ce dont parlent la majorité des professionnels du secteur depuis la montée en puissance des Emmissions Trading System (ETS, autre appellation pour les quotas de CO2), suffira à convaincre les élus européens de l’urgence d’une réduction de cette forme de pression fiscale préjudiciable à l’emploi et à la compétitivité des industriels de l’Union.

 

Christophe Journet

Voir aussi sur :

http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/metals-minerals/files/final-report-aluminium_en.pdf

TARIFS_2013

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