DEAUVILLE (MPE-Média) – Comprendre les transformations liées au “mix” dans le secteur de l’énergie, qualifié de “monde en rupture”, tel est le thème de l’édition 2016 du Forum Enerpresse 2016 organisé par nos confrères d’Enerpresse et du Bulletin de l’Industrie Pétrolière (BIP) à Deauville les 23 et 24 juin. Détails.

Prix bas du gaz, de l’électricité sur les marchés de gros, taxes trop élevées, consommateurs ne percevant pas leur part du bénéfice tiré des prix bas du fait d’une fiscalité élevée, ruptures en série dans les orientations énergétiques stratégiques, politiques, ruées récentes sur les carburants à cause des blocages de dépôts dans l’hexagone, hésitations dans le choix d’une politique bas carbone commune à l’Union européenne qui peine à dégager les lignes de force d’une vraie “Union européenne de l’énergie”, inconnues du stockage de l’énergie, bref, les bonnes questions ne manquent pas dans ce nouveau Forum Enerpresse 2016.

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GD : Philippe Rodriguez (Enerpresse), Marc Boudier (AFIEG), Alain Bazot (UFC), Jean-Horst Keppler (Univ. Paris Dauphine) - Ph MPE-Média

Dès l’ouverture du colloque, dédiée à “la construction de la politique européenne face aux ruptures des états membres”, cette fois, la Conseillère principale de la division Energie de la Commission européenne Anne Houtman a souligné que le projet de réaliser “l’union de l’énergie” à l’échelle des pays membres était sans doute la meilleure façon de faire de la pédagogie en soutien aux objectifs de décarbonation des énergies et de lutte contre le réchauffement climatique issus de la COP21.

 

Des prises de conscience

Côté climat, l’exposé de Paul Watkinson, Chef de l’équipe qui a négocié les dispositions retenues à l’issue de la Conférence des parties de Paris 21 et poursuit le suivi de leur application dans les états membres de l’Union européenne pour le compte du Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer (MEEM) et de la Présidente de la COP21 préparant la COP22 au Maroc fin 2016, aura au moins permis de comprendre que rien n’est jamais acquis même si quelques signes de progrès se sont faits jour dans la prise de conscience de la nécessité de réduire les énergies dites fossiles – pour ceux qui ne le savent pas déjà NDLR.

“Que reste-t-il à faire? Beaucoup de choses”, explique Mme Houtman, énumérant pêle-mêle le passage à une société bas carbone, le vote de la révision de la directive sur l’efficacité énergétique, la rédaction d’une directive sur les bâtiments dits “intelligents”, celle d’un deuxième rapport sur les états européens et l’énergie relatif aux prix et aux coûts des différentes énergies (d’ici à l’automne 2016), enfin la révision de la directive sur les énergies renouvelables déjà en vigueur.

La 1e table ronde dédiée à “la rupture des prix” confirme que la corrélation entre la chute des prix mondiaux du gaz (2,5 dollars/Million de British Thermal Unit en moyenne aux Etats-Unis, 2,8$/Mbtu pour l’Europe) et ceux de l’électricité produit une situation qui amplifie le risque créé par la fixation d’un prix du carbone au-delà de 5 euros/tonne pour les électro-intensifs et pour les producteurs d’énergie eux-mêmes.

 

Une chute des prix étonnante, dit un économiste

“C’est une chute des prix tout à fait étonnante, les énergies renouvelables poussant le gaz hors marché”, note Jean-Horst Keppler, titulaire de la chaire des marchés européens de l’énergie à l’Université Paris-Dauphine, pointant la différence peu justifiée a priori entre les 25 euros/Mégawatt/heure moyens de l’électricité et les 40€/MWh du tarif ARENH (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique).

Le même Jean-Horst Keppler en aura profité pour rappeler que la question du CO2 pour les producteurs d’utilités est loin d’être réglée et que l’hypothèse d’une renationalisation de tous les moyens n’est pas à exclure si on ne trouve pas le « bon modèle d’affaire » au prix éventuel de l’instauration du marché unifié européen de l’énergie.

 

Quid des consommateurs ? Profitent-ils des baisses de prix de l’énergie sur les marchés de gros ou de la récente concurrence entre les acteurs ?

« La fiscalité est venue amoindrir le bénéfice prix dont auraient pu profiter les consommateurs », explique le Président de l’Union Française des Consommateurs – Que Choisir Alain Bazot, ajoutant que ces derniers n’ont pas non plus récupéré de qui avait été perdu auparavant sur le plan du prix du gaz pour le chauffage et que la baisse des prix du pétrole a elle aussi été rognée par les taxes à la consommation.

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GD : Sophie Tetrel (BIP), Pierre Astruc (GRTGaz), Jean-Luc Deville (Comité Professionnel du pétrole) et Kristell Guizouarn (Groupe AVRIL) - Ph MPE-Média

L’UFC lance d’ailleurs ces jours-ci une nouvelle campagne intitulée « Energie moins chère ensemble » et une réflexion nationale sur la possibilité de procéder à des achats groupés d’énergie pour les français.

 

Un peu de prospective, aussi

D’autres acteurs devaient ensuite tenter de décrypter ce que supposerait le nouvel agenda énergétique et le futur mix entre renouvelables et fossiles, évoquer quelques solutions de gestion des complémentarités entre sources renouvelables et traditionnelles d’énergie, tout en se posant la question de la préservation des marges des opérateurs : « aux prix de marché actuels, nos centrales combinés françaises ne sont pas rentables et perdent de l’argent une fois payées les charges, réglés les frais financiers », nous explique en a parte le Président d’un groupe international récemment racheté par un fonds de pension américain.

D’où découle la question de « l’ubérisation du secteur de l’énergie » (plus vraiment posée selon Florent Andrillon, directeur chez CapGemini) et celle de la recherche de « nouveaux mécanismes de création de valeur », notamment pour répondre à la croissance inquiétante de la précarité énergétique en France tout en répondant à celle de la demande, toujours bien réelle.

Evolution ou révolution, se demande Corine Dubruel, une intervenante à la tête de l’école centrale Supélec Energie, qui voit venir dans le paysage global de tout nouveaux acteurs utilisant de nouvelles méthodes numériques pour gérer des équipements énergétiques traditionnels. « C’est bien la data, mais il faut quand même avoir les compétences énergétiques », ajoute Mme Dubruel.

Blockchain, Internet of things, Energie 4.0, contournement des services et des réseaux pour répondre très localement aux besoins, abandon des anciens métiers pour tenter de former une nouvelle génération d’ingénieurs énergéticiens capables de maintenir des solutions nouvelles en utilisant des algorythmes et de nouveaux moyens de paiement en ligne sécurisés, sans réduire les parts de marchés de leurs entreprises, un vrai challenge dans un contexte aussi réglementé que celui de la France et de la plupart des autres pays d’Europe.

 

Christophe Journet

Voir aussi sur :

http://www.enerpresse.com

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