PARIS ( MPE-Média) – Le cabinet d’expertise comptable et économique Secafi Alpha parle dans un rapport rendu public cette semaine « d’une stratégie de destruction de valeur de la sidérurgie chez ArcelorMittal Atlantique Lorraine (AMAL) et notamment d’une perte de parts de marché de la division des aciers plats carbone Europe évaluée à 2,3 Mt l’an », affirme une source proche du dossier. 

Les éléments qui ont conduit à cette conclusion chiffrée le cabinet d'expertises comptables Secafi Alpha, à qui un rapport détaillé sur les résultats du groupe a été commandé voici quelques semaines par le Comité central d'entreprise d'ArcelorMittal Atlantique Lorraine (AMAL), doivent être rendus publics mercredi prochain à l’issue d’une réunion interne au siège du groupe ArcelorMittal. 

Produits plats carbone dans l'Europe des 27 hors inoxydables en millier de tonnes par mois

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Source Eurofer

Un regard sur les données statistiques d’Eurofer concernant l’offre sur ce marché des produits plats en acier au carbone (flat carbon Europe) indique que ce marché lui-même était en baisse assez nette l’an dernier après le 2nd trimestre, tant sur le plan des offres venant d’Europe que des produits plats importés de pays tiers. Il représentait un volume moyen d'environ 6 à 7 Mt par mois, incluant de 800.000 à 1 Mt/mois  d’aciers plats importés de pays tiers, soit un marché annuel d'environ 65 à 70 Mt qui n'a pas encore récupéré son niveau d'avant crise, supérieur à 90 Mt l'an.

Ce marché d'environ 65 à 70 Mt/an, au regard duquel les 2,3 Mt de perte de parts de marché annuelles évoquées par cet expert constituent en fait moins de 3% de l'offre européenne, est lui-même susceptible de varier beaucoup au fil du temps, l’ensemble de ce marché s’étant élevé à plus de 95 Mt/an en 2007, peu avant la crise (voir le graphique d'Eurofer). On se souvient que le PDG d'ArcelorMittal évoquait une baisse de la demande d'acier plats en Europe lors des fermetures de Liège et de Florange à l'automne 2011.

L’expertise de Secafi Alpha porte quant à elle sur les résultats récents d’ArcelorMittal et sur le positionnement du groupe sur les marchés de l’acier. Elle conclut selon nos sources « qu’aucune stratégie de reconquête de l’offre n’était en cours, entraînant mécaniquement le groupe vers des suppressions de moyens à l’avenir ».

Pas de redémarrage du P6 avant fin 2012

L’expert ne voit pas de redémarrage du haut-fourneau P6 de Florange-Hayange au deuxième trimestre, « au 3e non plus compte tenu des rythmes annuels courants, au mieux au 4e trimestre ».

Le cabinet SECAFI Alpha ne croit pas non plus dans la volonté du PDG du groupe ArcelorMittal de s’engager dans le programme ULCOS 2 de captation et enfouissement des gaz à effets de serre en sortie de haut-fourneau: « il semblerait qu’on aille plutôt vers une spécialisation des produits aciers et le rapatriement des productions dans les sites côtiers », précise la même source.

Feux verts

Même avec des feux verts apportés par la commission européenne et les états de l’UE au programme ULCOS 2 de réduction et de captation des émissions de gaz en sortie de haut fourneau à Florange-Hayange, les experts du groupe doutent de la volonté du PDG d’ArcelorMittal de relancer le P6 d’Hayange, pourtant déjà choisi de longue date pour cette expérimentation, en accord avec ThyssenKrupp et Tatasteel au niveau européen.

Un autre cabinet d’experts, la société Syndex, a par ailleurs réalisé un rapport sur le devenir des salariés et des installations de la phase à chaud d’ArcelorMittal Liège fermée en octobre 2011. Syndex doit exposer des alternatives possibles fin avril, ajoute la même source.

Rente minière

Syndex analyse les priorités d’ArcelorMittal en optant pour un partage de la rente minière, affirment nos sources - 6 milliards de CA et 3 mrds d’EBITDA d’ArcelorMittal global en 2011 – qui représente en fait une petite partie seulement des revenus du groupe, mais une partie bien plus profitable que la production d’acier pour laquelle le groupe est toujours leader sur le plan mondial en tonnage, de moins en moins en rapport financier à la tonne d’acier produite.

Le cabinet Syndex préconise donc le partage de ce qu’il appelle « la rente minière » et se demande pourquoi ArcelorMittal ne transpose pas à la revente à ses unités belges de minerai de fer les principes à partir desquels sont organisés les achats de charbon à coke à une société filiale du groupe basée en Allemagne.

« Le plan d’optimisation des actifs d’ArcelorMittal n’avance pas, car la fermeture des usines coûte trop cher, donne une mauvaise image sociale qui fait peur aux clients. Ce plan, qui minimise les coûts de transition, occulte le fait que les fermetures ne rapportent pas beaucoup et coûtent trop cher aux aciéristes au regard de ce qu’elles sont censées leur rapporter », explique une autre personne proche des dossiers belges.

Un rassemblement des salariés de la sidérurgie organisé par les cadres et délégués européens de la CGT d’ArcelorMittal Atlantique Lorraine (AMAL) est par ailleurs prévu mercredi 25 avril en fin de matinée au siège social de la filiale française du Groupe ArcelorMittal à Saint-Denis La Plaine, face à l’entrée du siège social du groupe. La CGT compte sur ce meeting pour recentrer la problématique du groupe sur celle du devenir de la sidérurgie en Europe. Et pour annoncer les principales conclusions du rapport de Secafi Alpha sur le premier aciériste mondial de par sa production.

Christophe Journet

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Mis à jour (Jeudi, 27 Octobre 2016 14:52)