ROME (MPE-Média) – La question posée à la Commission européenne par le projet de fusion entre Outokumpu et Inoxum, filiale de ThyssenKrupp pour l’acier inoxydable est plus sérieuse qu’il y parait, car la nouvelle entité dépasserait 60% de parts de marché dans plusieurs pays d’Europe, a déclaré ce mercredi le Secrétaire Général de l’International Stainless Steel Forum (ISSF) Pascal Payet-Gaspard dans le cadre de la Convention 2012 du Bureau International of Recycling (BIR) à Rome. Le régulateur européen s'est donné jusqu'à septembre pour y répondre dans un contexte de marché tendu par les surcapacités et la volatilité des prix du nickel.

Pascal Payet-Gaspard, Secrétaire général de l'International Stainless Steel Forum, à la tribune du BIR 2012 (ph CJ MPE-Média)

Concernant la fusion souhaitée par Outokumpu et Inoxum, M. Payet-Gaspard se souvient de l’épaisseur du dossier examiné voici plusieurs années par l’Union européenne au titre de la règlementation anti-trusts et parle de l’épaisseur encore plus forte de celui de cette année, qui comprend plus de 1300 pages!

« Ils examinent le cas d’une façon très prudente. Ils ont demandé un délai supplémentaire pour étudier ce gros dossier, d’ici à septembre prochain. Si cette fusion pose problème en terme de parts de marché, il faut bien voir que la part des importations d’inoxydables en Europe a beaucoup changé en vingt ans, aussi. Et ne pas oublier que ThyssenKrupp prévoit aussi de fermer deux sites de production d’inox en Allemagne pour réduire les surcapacités si le projet est validé par l’UE», répond le S.G. de l’ISSF qui s’interdit, bien sûr, de répondre à notre question sur le fond.

Commentant la situation sur le marché de l’inoxydable, M. Payet Gaspard souligne que la croissance de la production mondiale d’acier inoxydable a été de 3,3% en 2011, au-dessus de 32 millions de tonnes dans le monde, avec encore des hausses sensibles ici ou là, dont +34% en Chine, +2% dans les autres pays d’Asie, stable dans le reste du monde, a expliqué le secrétaire général de l’In Stainless Steel Forum M. Pascal Payet-Gaspard aux participants de la Convention annuelle du Bureau International du Recyclage réunis à Rome.

Surcapacités en production primaire d'acier inoxydable (2003-2013 prev)

Source ISSF/CRU/Deutsche Bank

Parmi les faits signifiants dans la période, M. Payet-Gaspard relève une forte volatilité des prix du nickel (2,5%), de la ferraille (4,5%), et des surcapacités importantes dans le monde, malgré un taux d’utilisation des capacités encore limité aux environs de 70%.

« La croissance de la production chinoise continue et rend difficile l’équilibre entre les pays développés et les pays émergents », note M. Payet-Gaspard.

Pourtant, explique-t-il, les producteurs ont pour l’essentiel déjà réduit leurs coûts, amélioré leurs performances en production et la qualité des références, tandis que les prévisions de croissance de la production d’inoxydables indique que l’Inde sera la prochaine source de croissance du secteur.

Mais la lutte reste vive entre les quatre plus grandes compagnies mondiales, dont deux sont en cours de fusion, Outokumpu et Inoxum (filiale de Thyssenkrupp). Et les grandes questions sont toujours selon Pascal P.-Gaspard outre l’impact de ces fusions-acquisitions sur le marché et leur continuation dans la sphère sino-asiatique, « la réduction d’émissions de CO2, et la volatilité des prix du nickel».

Sur le plan du recyclage, l’acier inoxydable est l’une des matières les plus en avance avec plus de 80% de matière recyclée après usage. L’inox se développe toujours plus dans l’architecture, dans les infrastructures des pays émergents ou encore dans l’agro-alimentaire et l’energie, souligne le secrétaire général de l’International Stainless Steel Forum, qui fête cette année les 100 ans de cette grande famille d’aciers.

L’aluminium est-il concurrent de l’inox dans certaines applications, demande un participant?

« Non, le vrai concurrent de l’inox est l’acier… Je pense qu’il faut voir pour quels usages l’inox, l’alu ou l’acier ont le meilleur cycle de vie. Il y a de la place pour chaque matière, en fait», conclut le Secrétaire général de l’ISSF à l’intention des participants de la Convention annuelle du BIR.

GD: Bjorn Grufman (Suède), Dominique Maguin (France), actuel et précédent présidents du BIR (ph CJ MPE-Média)

Une séance pleinière sur le marché des métaux non ferreux a eu lieu ce mercredi matin, durant laquelle s’est révélée une période de tensions baissières sur ces marchés liés à la baisse de la demande et à celle des prix – ainsi qu’une certaine remise en cause des valeurs LME, notent de nombreux participants interrogés à ce sujet.

Interrogé dès l'ouverture de la Convention du BIR sur l'état des marchés des nouvelles matières premières recyclées, le nouveau président du Bureau International of Recycling M. Bjorn Grufman parle avec prudence d'une situation dégradée par les inquiétudes nées de l'éventualité d'une sortie de la Grèce de la zone euro, mais reste optimiste sur ce point. Spécialiste des métaux pour la Suède, il sait que le marché peut aussi se retourner à la hausse d'une semaine à l'autre.

1500 participants à Rome

Son prédécesseur Dominique Maguin constate une moins bonne situation dans plusieurs secteurs d'activités, de la collecte de véhicules hors d'usage (VHU) à celle des textiles ou des vieux papiers, notant toutefois la vitalité du négoce mondial des matières recyclées qu'illustre bien la présence de 1500 professionnels à cette Convention romaine du BIR.

D’autres séances thématiques dédiées à l’état du commerce international des nouvelles matières premières issues du recyclage, des ferrailles ferreuses, broyées, des déchets électro-ménagers, électriques et électroniques, des papiers et vieux papiers, plastiques et textiles doivent encore avoir lieu d’ici vendredi, dans un contexte économique plus difficile à décrypter que jamais, assurent les négociants adhérents au BIR.

Christophe Journet

www.bir.org