TARENTE (MPE-Média) – La récente décision du tribunal de Riesame, près de Tarente (Italie, région des Pouilles) d’interdire la relance pour raisons environnementales de l’aciérie phare Ilva du groupe italien Riva fait débat entre les autorités locales, le Commissaire M. Bruno Ferrante, nommé le 10 juillet par le Tribunal pour gérer la sortie de crise de la filiale de l’aciériste et les nombreuses familles de travailleurs touchées par la mesure de justice. Le Président italien Mario Monti doit envoyer ses émissaires sur place le 17 août pour évaluer la situation.

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M. Bruno Ferrante, curateur désigné puis destitué par la justice italienne, a pris position pour la relance de l'aciérie la semaine dernière, prenant le risque d'être destitué par la Juge d'instruction Mme Todisco (ph SD ILVA/RIVA group)

Depuis plusieurs mois, la justice italienne examinait en détail les engagements du groupe italien Riva de remise aux normes environnementales de son aciérie Ilva de Riesame, provisoirement fermée à la fois pour des raisons de baisse de la demande en acier plat au carbone et de non compatibilité avec les exigences environnementales récentes.

Un long débat

Le débat dure depuis l’automne 2010 et a vu intervenir nombre d’acteurs, depuis les industriels concernés jusqu’aux associations locales de défense de l’environnement qui doutent de la volonté de l’aciériste d’investir dans la réfection du site à la hauteur des besoins pour dépolluer l’ensemble du site racheté par le groupe RIVA à l’état italien en 1988.

Après l’intervention du Ministre italien de l’Environnement M. Corrado Clini, jugeant possible de faire les travaux de remise aux normes sans pour autant prendre de décision de fermeture du site industriel, le groupe Riva s’était remis à epérer pouvoir relancer la production mais la cour de justice locale de Riesame en a décidé autrement, pressée par de nombreuses actions engagées par les opposants à la poursuite de l’activité, qui mettent au passif de l’aciérie (5 hauts-fourneaux, près de 10 millions de tonnes d’acier produites par an au plus haut niveau de capacités) des conséquences léthales pour la population tarentaise. M. Clini a contribué récemment au déblocage d'un fonds régional de sauvegarde de l'emploi chez Ilva.

Mais le Tribunal compétent localement en a décidé autrement : Le Tribunal a émis un verdict de ré-examen des décisions de première instance, imposant des mesures techniques immédiates avant toute relance des activités, nous confirme une source italienne proche du dossier.

La famille Riva fait appel

MM. Emilio et Nicola Riva (premiers actionnaires) ainsi que l’ex directeur de l'usine de Taranto sont condamné aux arrêts, 5 autres personnes mises en examen étant remis en liberté. Les 3 condamnés vont présenter un recours et demander le rééxamen de cette décision.

Le Tribunal, dans sa dernière décision, ne parle plus de fermeture, mais de « mise en sécurité et aux normes environnementales », ce qui signifie que la production, au lieu d'être arrêtée, va pouvoir continuer, mais aux normes de sécurité pour les personnes et dans le respect de celles, environnementales, décidées par la justice durant les mois passés.

 

90M€ d'investissements prévus

La Société Ilva a prévu d'investir 90 M€ pour la sécurité et les systèmes anti-pollution, pour réduire les taux d’émission de CO2 et de dioxine, toxiques auxquelles sont attribués de nombreux décès dans la région de Tarente depuis la fin des années soixante-dix, précise notre source.

330M€ d'aides régionales

Il faudra certainement d'autres investissements pour respecter ce que le Tribunal a demandé à Ilva (vidéosurveillance , analyse des émissions en continu, etc.), ajoute notre source.

La région et le gouvernement ont accordé 330 M€ pour l'assainissement des zones polluées, continue notre source.

La région de Tarente a demandé que soit instituée une baisse d'activité, de l'ordre de 10%, quand le vent tire vers la ville, afin de réduire la pollution, précise le curateur provisoire de la filiale de Riva.

M. Bruno Ferrante affirme que Ilva Taranto « reste une usine stratégique pour le groupe Riva et pour l’économie de sa région », même s’il reconnaît que le site reste dans la liste des dix usines les plus polluantes d’Europe.

Depuis cette intervention, la Juge d’instruction Mme Patrizia Todisco a demandé la destitution de M. Ferrante de son rôle de curateur provisoire d’Ilva, le jugeant en situation de conflit d’intérêts, le remplaçant par M. Mario Tagarelli, Pdt de l’ordre des Experts comptables de la Région. Mais le gouvernement de Mario Monti a décidé de s'y opposer en faisant appel pour maintenir M. Ferrante dans ce rôle.

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(ph SD Ilva-Riva)

Ilva (Elbe en français, comme l’île voisine autrefois riche en minerai de fer) a été construite dans les années soixante, au siècle dernier. L'aciérie a fait depuis l’objet de nombreuses plaintes instruites suite aux décès attribués par les médecins locaux aux rejets de gaz toxiques des cheminées de l’usine, que le groupe Riva dit avoir largement traité depuis en conformité aux règlements environnementaux européens et vouloir continuer à traiter grâce à un important programme d’investissements.

Dans une conférence de presse tenue après l’annonce de la décision la semaine dernière, le Curateur provisoire d’Ilva/Riva M. Bruno Ferrante a longuement expliqué aux journalistes en quoi les investissements récemment acceptés et engagés par le groupe Riva pour effectuer les travaux de remise aux normes environnementales et de sécurité dans l’aciérie avant de procéder à la relance de la production s’inscrivaient dans une longue histoire, « celle des liens indissociables entre la cité de Tarente, ses habitants et l’activité sidérurgique sans laquelle une grande partie de ses habitants allaient être privés de ressources ».

« Fermer l’aciérie définitivement signifie priver de travail des milliers de personnes alors que nous avons pris la décision de respecter totalement les demandes des autorités publiques en matière de protection de l’environnement», a répété le président de la filiale Ilva M. Ferrante en réponse aux questions de la presse italienne.

L’aciérie d’Ilva produit des brames d’acier brut, des bobines d’acier laminées à chaud et à froid, des bobines d’acier galvanisé et électro-zingué ainsi que des tubes d’acier de grands diamètres. Autrefois la première aciérie d’Europe, elle a été récemment dépassée en volume annuel de production d’acier par l’acérie ArcelorMittal de Dunkerque.

 

4e producteur d'acier en Europe

4e producteur d’acier européen, 23e producteur mondial, le groupe Riva dispose de 39 sites de production d’acier dont 19 sont situés en Italie et les autres en Europe du sud, dont la France, au Maghreb et aux Etats-Unis.

10 milliards d’euros de CA annuel

En 2011, Riva a produit 16 millions de tonnes d’acier, dont 7,6Mt d’aciers plats au carbone, 4,1Mt de fil machine, 2Mt de ronds à béton, 1Mt d’aciers marchands et de billettes et 0,8Mt de tôles quarto, générant un chiffres d’affaires annuel supérieur à 10 milliards d’euros l’an.

 

Fabio Riva préoccupé depuis la fin 2011

Interrogé à l’automne dernier par nos soins, le Directeur général du groupe M. Fabio Riva nous confiait ses craintes de devoir fortement réduire le niveau d’utilisation des capacités de production de l’entreprise en Europe « à cause de la chute de la demande tant pour les produits destinés à la construction que pour les produits plats au carbone ».

Riva dispose de sa propre flotte de cargos de transport de matériaux sidérurgiques, dont un cargo géant de 312.000 tonnes pour le minerai de fer er employe plus de 21.500 personnes dans le monde.

Le groupe appartient à 100% des parts sociales de l’entreprise à la famille du Président M. Emilio Riva, aujourd’hui âgé de 75 ans et qui partage avec ses fils la direction générale et opérationnelle du groupe et de ses filiales, dont Ilva à Tarente, qui constitue à présent un site essentiel dans l’économie du groupe italien.

Ilva emploie près de 11.000 personnes dont 5.000 directement concernées par la fermeture de la phase à chaud.

Chartes environnementales de worldsteel

« Les politiques de développement adoptées par le conseil de direction du groupe sont poursuivies avec la plus haute considération des exigences liées à l’inter-action entre les activités industrielles et leur environnement », peut-on lire sur le site internet du groupe Riva, signataire des mêmes chartes de décarbonation et de dépollution des sites de production d’acier que les membres de Worldsteel, l’association mondiale des producteurs d’acier à laquelle le groupe adhère.

L’ironie du sort est que le verdict du Tribunal compétent régionalement est la conséquence de plaintes déposées voici plus de vingt ans pour les premières procédures et qu’il tombe au moment où la chute de la demande d’acier en Europe qui avait motivé une mise en sommeil du site intégré de production d’acier semble avoir touché son point bas.

C'est ce qui a poussé la direction générale du groupe à décider entre le printemps et le début de l’été la relance d’une partie au moins des moyens de production d'Ilva à Tarente, relance à présent empêchée par la mesure de justice au moment où Riva s’est engagé dans un calendrier pluri-annuel de travaux d’achèvement de la mise en confirmité de ses équipements.

Plusieurs milliers de personnes de la région de Tarente ont manifesté au début août pour demander la réouverture des hauts-fourneaux de l'aciérie, syndicats en tête, lequels font cause commune avec leur direction pour obtenir la réouverture de leur usine.

Christophe Journet avec Giampaolo Bertuletti


Voir aussi sur :

www.rivagroup.com

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Mis à jour (Mercredi, 26 Octobre 2016 12:53)