PARIS (MPE-Média) - La baisse des prix du minerai de fer constitue une bonne nouvelle pour les sidérurgistes et une moins bonne nouvelle pour tous les mineurs, notamment pour la division mines du géant de l’acier intégré verticalement ArcelorMittal, d’autant que la tendance baissière est anticipée jusqu’en 2020 par certains analystes, souligne Marcel Genet, PDG de Laplace-Conseil. Une nouvelle qu’il convient en fait de prendre en gardant à l’esprit qu’elle est aussi synonyme de surcapacités, d’une demande mondiale d’acier moins soutenue intervenue après l’érosion des marges des grands aciéristes. Explications.

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L’intégration verticale en vogue chez les aciéristes touche-t-elle à sa limite, en même temps que les prix moyens du minerai de fer semblent être entrés dans un cycle baissier pouvant durer plusieurs années, s’interroge le PDG de Laplace-Conseil M. Marcel Genet, interviewé récemment à propos de la situation économique de plusieurs aciéristes en Europe ?

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Marcel Genet (Laplace-Conseil) répondant aux questions d'une consoeur de SBB (ph archives CJ MPA-Média)

« Il faut regarder de près les bilans édités par les groupes », répond ce spécialiste de l’acier global. Sur les 6 premiers mois de 2011, le segment mines d’ArecelorMittal a réalisé un chiffre d’affaires (CA) de 2,785 mrds de dollars. Sur les 6 premiers mois de 2012, il a réalisé un CA de 2,847Mrds$, soit une hausse de +2% qui peine à compenser la baisse du prix du minerai de fer, matière sidérurgique généralement indexée sur les prix de la tonne Cif Tianjin (Chine) pour du minerai à 62,5% en teneur de fer, à nouveau descendus en dessous de 100 dollars la tonne en septembre 2012, contre plus de 190 dollars la tonne en février 2011. ArcelorMittal produit à la fois du minerai de fer et du charbon sidérurgique et a lourdement investi dans l’acquisition de nouvelles mines dans plusieurs régions du monde, sans pouvoir vendre à des prix vraiment préférentiels ces matières à sa division acier, compte tenu de la réglementation commerciale internationale qui prohibe les ventes inférieures aux moyennes de prix du marché.

Le revenu opérationnel de la division mines d’ArcelorMittal s’élevait au S1 2011 à 1,2Mrds$, donnée à comparer avec 758M$ au S1 2012, avec un ratio de revenu opérationnel (Ebidtda) comparé au CA de 43% au S1 2011 et un ratio d’EBITDA comparé au CA de 26% au S1 2012, sur fond de baisse des prix des dites matières premières sidérurgiques.

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Les prix du minerai de fer chutaient en Chine dès la fin 2011, pas en Europe (Source Laplace-Conseil/SBB)

Ratio EBITDA/CA à moins de 10% fin 2013

« Or ce ratio devrait fondre au S2 2012,entre 12 et 15% du chiffre d’affaires CA d’ici à la fin de l’année, ce qui fait qu’hors effet transitoire, le groupe ArcelorMittal devrait donc se trouver avec un ratio d’Ebitda/CA inférieur à 10% vers la fin 2013 », souligne le PDG de Laplace-Conseil. Un constat que pointait déjà l’agence de notation du risque Standard & Poor’s au printemps dernier tout en dégradant provisoirement la note du premier aciériste mondial et mineur. S&P évoquait déjà une dégradation des fondamentaux de l’aciériste et mineur – ajoutant une réserve « en cas d’embellie économique d’ici au début 2013 », hypothèse qui semble aujourd’hui moins soutenue qu’au début de l’été NDLR.

« Il faut regarder de près les prévisions de prix des principaux mineurs globaux Vale, Rio Tinto et BHP Billiton et celles des analystes cités par Bloomberg qui anticipent un prix moyen du minerai de fer à 96 dollars la tonne en 2017, contre une moyenne de 167,60 dollars la tonne l’an dernier », résume M. Marcel Genet, qui note que la chute des prix du minerai de fer impacte autant les producteurs d’acier que les groupes miniers, dans la mesure où elle ne permet pas aux sidérurgistes de reconstituer les parts de leurs marges perdues lors du dernier épisode de hausse des prix du minerai de fer jusqu’au pic de février 2011 et au S1 de 2011 qui constitue le dernier record de profitabilité des producteurs de minerai, sans doute le dernier avant la prochaine décennie à en croire d’autres analystes cités récemment par Bloomberg.

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Les prix des ferrailles restent soutenus depuis la crise de 2008, même s'ils retombent un peu ces derniers jours ... (Source Laplace-Conseil/Platts 2012)

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L'acier électrique à base de ferrailles (Electric Arc Furnaces) augmente en tonnage, plus vite aux Etats-Unis qu'en Europe, comparé aux volumes d'acier brut issu des hauts-fourneaux (Blast operating Furnaces - Source Laplace-Conseil/Worldsteel 2012)

 

 

Minerai de fer : 29% de perte de valeur marché mondial

Les producteurs de minerai de fer ont perdu 29% en valeur sur leur marché depuis février dernier, à en croire l’indice Bloomberg des industries de production de minerai de fer. Le ralentissement de la croissance chinoise en est la cause aux yeux des mineurs, qui estiment que le niveau de la demande en minerai de fer de la Chine a baissé de plus de la moitié depuis le pic du 16 février 2011, lorsque le record de 191,90 dollars la tonne avait été atteint.

Le prix du minerai de fer pourrait chuter encore jusqu’à 50 dolllars la tonne d’ici à la mi-2013, anticipe l’économiste en chef de Morgan Stanley pour l’Asie et le Pacifique cité par Bloomberg. On comprend mieux les efforts déployés par les miniers globaux depuis 2009 pour sortir des contrats trimestriels et tenter de systématiser la vente spot du minerai de fer et du charbon à coke, seule susceptible à leurs yeux de leur permettre de préserver un semblant de profitabilité et un niveau d’investissements dans leurs nouveaux programmes, dans un contexte toujours affecté par les incertitudes macro-économiques globales et par une moindre croissance chinoise.

Production d'acier chinoise en perte de vitesse

Avec le nouveau plan quinquennal de construction d’infrastructures – le double en valeur de celui lancé en 2008 - annoncé récemment par Pékin, la croissance de la production d’acier de la Chine pourrait au mieux se stabiliser selon les analystes de plusieurs compagnies financières un peu en-dessous de 5% l’an contre près de 7,5% en 2011.

Déjà, quelques aciéristes chinois intégrés ont fermés leurs mines de fer les moins rentables et quelques aciéries pour tenter d’inverser la vapeur et nous assistons en Europe à des fermetures en série de capacités de production d’acier. « Rien ne prouve que ce mouvement ne va pas s’accélérer, tant que les producteurs d’acier n’auront pas entrepris leur propre révolution industrielle pour récupérer de la marge, comme l’ont fait Posco en Corée et Nucor aux Etats-Unis », conclut M. Genet.

Christophe Journet

Voir aussi sur :

www.laplaceconseil.com

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Mis à jour (Samedi, 22 Octobre 2016 15:46)