PARIS (MPE-Média) – Suite à l’annonce par le Conseil constitutionnel de la République française confirmant ce vendredi 11 octobre la validité constitutionnelle de la loi de juillet 2011 proposant un moratoire sur les explorations de gisements de gaz dits de schiste, le Ministre de l’Ecologie, du développement durable et de l’Energie M. Philippe Martin s’est félicité que « l’exploitation et l’exploration des GdS (soient) définitivement interdites ». Contresens ou conclusion logique ? L'Histoire en jugera.

La question d’un contresens fait par le Ministre en lisant le verdict du Conseil constitutionnel ne peut en effet que se poser si l’on regarde la déclaration de M. Philippe Martin en la comparant aux termes exacts employés ce jour par le Conseil constitutionnel, qui limite son avis à la constitutionnalité d'une loi, non à son contenu au sens strict.

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Philippe Martin (ph SD MEDDE)

Cela suppose de se rappeler aussi les faits qui ont suivi le dépôt de plainte de compagnies américaines concernant deux permis de forer à titre exploratoire, accordés puis refusés par l’Etat français dont la position varie depuis quelques années au gré des vents contraires d’une opinion encore non sollicitée directement, hormis par la Commission européenne dans une étude dont le résultat a été publié cette semaine (voir le lien en bas de cet article).

 

Qui de l'avis de l'Europe en la matière?

Le Président de l’Union européenne Herman Von Rompuy déclarait au printemps dernier attendre les résultats de cette enquête pour demander à la Commission elle-même et à son président M. Manuel Barroso de rendre public le résultat de cette enquête très poussée, sans valeur de référendum, mais dont on sait à présent qu’elle confirme que 2 européens sur 3 au moins des 27 pays consultés entre 2012 et mars 2013 estiment qu’il n’est pas possible de se priver de ces ressources en carburants fossiles non conventionnels, une majorité de ces 2/3 notant que cela devait se faire avec « toutes les précautions sanitaires et d’environnement utiles », 1 européen sur 3 seulement optant pour l’interdiction durable de ces recherches, du moins tant que leur inocuité pour l’environnement n’est pas totalement avérée.

Le communiqué du MEDDE (lire ci-après son verbatim) semble aller beaucoup plus loin que ce que disent les deux articles portant la décision du Conseil constitutionnel ce vendredi 11 octobre et dont voici les termes exacts :

La réponse exacte du Conseil constitutionnel

Article 1er.- Les articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique sont conformes à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 octobre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Pour voir la vidéo de l'audience du Conseil constitutionnel, cliquer ICI.

Le CC dit donc bien que les articles sont conformes à la consitution, pas que leur contenu vaut jugement au fond et interdiction définitive, ce qui deviendrait de fait autre chose qu’un simple moratoire, en tout cas une posture contraire aux avis d’un nombre croissant de parlementaires du parti socialiste lui-même – plusieurs nous ont confié vouloir remettre en question cette loi et le moratoire – et des autres partis de gouvernement, à l’exception d’Europe Ecologie les Verts dont on sait l’opposition totale à ces recherches.

Greenpeace France et France Naturel Environnement ainsi que le premier ministre ont été entendus via leurs avocats par les membres du Conseil constitutionnel dans ce cadre durant l'été dernier. L'avocat de la société américaine qui a porté plainte suite au retrait de ses permis d'explorer consécutif à la loi de juillet 2011 a été entendu ce vendredi par les membres du Conseil constitutionnel avant que ceux-ci émettent leur verdict.

Le rôle des médias

Notre rôle de média spécialisé, ni juge ni partie au sens strict d’un tel débat demeure bien de relever et de faire connaître les textes et les propos exacts des acteurs et les décalages entre leurs contenus respectifs et les réponses apportées, lesquels décalages portent en eux-mêmes la plupart du temps l’intention du politique ou de l’industriel concerné de faire dire davantage dans son sens que ce qui est dit, sans tenir compte des limites juridiquement posées des textes de lois eux-mêmes ni même de l’intérêt général supposé qui n’est en rien un absolu, sauf dans des régimes de nature totalitaire. Ce qui n’est évidemment pas le cas en France, ni en Europe s’entend. Contacté, le ministre n'a pas souhaité répondre à nos questions à ce propos, estimant le communiqué de presse et le contenu de l'intervention du ministre "très clairs à notre sens", répond la responsable du service de presse du MEDDE.

Christophe Journet


Verbatim du communiqué du Ministre :

Fracturation hydraulique : L'exploitation et l'exploration des gaz de schiste définitivement interdites

Philippe Martin, ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, a pris connaissance de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel rejette la question prioritaire de constitutionnalité de la société Schuepbach. Le recours de la société texane portait sur des permis délivrés en 2010, sans information ni concertation, puis abrogés en application de la loi de 2011.

Le Conseil constitutionnel confirme sans réserve la validité de la loi du 13 juillet 2011 instaurant l'interdiction de la fracturation hydraulique pour la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures.

Il relève que l'interdiction de la fracturation hydraulique s'applique non seulement à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels mais aussi aux hydrocarbures conventionnels.

Pour valider cette interdiction totale, le Conseil constitutionnel reconnaît que le but poursuivi par le législateur, qui était bien de prévenir les risques avérés de ce procédé pour l'environnement, répond à l'intérêt général et justifiait pleinement une interdiction.

La liberté d'entreprendre, mise en avant par la société Schuepbach, doit donc céder devant l'intérêt général de la protection de l‘environnement.

Philippe Martin a tenu à souligner : « Nous sommes confortés par cette décision majeure. Plus que jamais, s'impose la nécessité de mettre en œuvre ma feuille de route, celle que m'ont fixée le président de la République et le Premier ministre : conduire la transition écologique et énergétique, afin, notamment, de réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles en diminuant de 30 % la consommation des énergies fossiles d'ici 2030 ».

Qu'est ce que la constitutionnalité?

Note du ministère à propos de la QPC - La « question prioritaire de constitutionnalité » est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d'État et la Cour de cassation de se prononcer et, le cas échéant, d'abroger la disposition législative. La question prioritaire de constitutionnalité a été instaurée par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Avant la réforme, il n'était pas possible de contester la conformité à la Constitution d'une loi déjà entrée en vigueur. Désormais, les justiciables jouissent de ce droit nouveau en application de l'article 61-1 de la Constitution.

 

Verbatim de l'intervention de Philippe MARTIN, Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 13 juillet 2011

Le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision dont nous mesurons tous l’importance.

C’est une victoire juridique mais c’est aussi une victoire écologique et politique.

Une victoire juridique, d’abord. Le Conseil constitutionnel valide la loi du 13 juillet 2011 instaurant l’interdiction de la fracturation hydraulique pour la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures – non seulement les gaz de schistes, mais tous les hydrocarbures. Mais le conseil constitutionnel fait plus que cela, il la confirme sans réserve et en donne, pour la première fois, la portée que nous attendions.

Avec cette décision, l’interdiction de la fracturation hydraulique est générale et absolue. Elle s’applique à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels.

La loi du 13 juillet 2011 est désormais juridiquement inattaquable.

C’est aussi une victoire écologique. Pour valider cette interdiction, le Conseil constitutionnel reconnaît les risques avérés de la fracturation hydraulique pour l’environnement. Ce sont précisément ces risques que la loi prévient et le Conseil constitutionnel dit que cette prévention répond à l’intérêt général, et justifie totalement l’interdiction.

C’est enfin une victoire politique.

Je veux inscrire cette décision dans un cadre plus large, celui de la transition énergétique. Car c’est cela, aussi, qui est conforté aujourd’hui. Le président de la République a fixé des objectifs ambitieux pour à la fois réduire nos émissions de gaz à effets de serre, renforcer notre souveraineté énergétique, réduire les factures d’énergie des Français. Il a fixé l’objectif de réduction de 30 % de notre consommation d’énergies fossiles d’ici 2030. Or, les gaz de schiste, au-delà de la question de la fracturation hydraulique, sont aussi des énergies fossiles.

Quelle que soit la technique d’extraction, les brûler, c’est davantage de gaz à effet de serre, davantage de réchauffement climatique. Nous ne pouvons plus nous le permettre, au moment où les scientifiques du GIEC nous alertent sur l’accélération du processus de réchauffement climatique de notre planète. Nous devons mettre le cap sur les énergies renouvelables, et avec les industriels, avec les scientifiques, avec les collectivités locales, je sais que nous saurons le faire.

Je pense aussi aujourd’hui à toutes celles et tous ceux, élus, citoyens, associations qui se sont engagés depuis plusieurs années dans ce combat pour l’environnement. Cette décision les conforte et elle me réjouit.

 

Voir aussi sur :

http://www.mpe-media.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1401:gaz-de-schiste-nouvelle-etape-europe&catid=37:actus-en-libre-acces&Itemid=18

Voir la réponse exacte du Conseil constitutionnel :

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2013/2013-346-qpc/decision-n-2013-346-qpc-du-11-octobre-2013.138283.html

Et la vidéo de la séance du vendredi 11 octobre:

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/videos/2013/septembre/affaire-n-2013-346-qpc.138129.html

BANDO_ASSISES_ENERGIE_2014

TARIFS_2013

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Mis à jour (Vendredi, 11 Octobre 2013 16:44)