PARIS (MPE-Média) – Parmi plusieurs propositions de reprise du groupe ASCOMETAL déposées auprès du Tribunal de commerce de Nanterre la semaine dernière, une solution industrielle française construite et déposée par M. Franck Supplisson, haut fonctionnaire hors classe et élu régional du Centre (Orléans) semble tenir la corde devant les autres avec reprise de 97% des emplois de l’aciériste et épurement de la dette du groupe. Le producteur d’acier brésilien GERDAU et son entité espagnole SIDENOR sont aussi sur les rangs. Détails.

En difficulté depuis déjà plusieurs années, le producteur d’acier longs et d’aciers plats pour la mécanique et l’automobile ASCOMETAL a été placé en redressement judiciaire à la fin de l’hiver pour un délai « aussi court que possible » selon les déclarations du président du Tribunal de commerce de Nanterre.

D’où un premier dépôt d’offres intervenu le 7 avril dernier et actuellement examiné par un avocat d’affaires parisien pour le compte du Tribunal. Le choix doit être fait au plus tard le 6 mai 2014. Chaque candidat à la reprise est incité à affiner ses projets dans la période.

L’histoire tient en quelques données recensées auprès de plusieurs sources convergentes : après 15 années de déclin, de pertes de parts de marché, Ascométal a vu baisser son niveau de rentabilité opérationnelle de 13 à 9% suite à une forte baisse des volumes d’aciers spéciaux vendus l’an dernier. Ascométal, ancienne filiale du groupe italien Lucchini-Severstal, a été cédée en 2011 au fonds d’investissements américain Apollo suite au rachat des actions de la SAS Ascometal par la SAS Captain Bidco, filiale d’Apollo, annoncé par Ascometal en 2011. Les choses sont allées de mal en pis depuis avec une dette qui s’élève à 380M€ dont plus de 65M€ d’intérêts dûs aux banques américaines Morgan Stanley et Bank of America, soulignent les experts financiers proches du dossier.

 

700 à 600.000 tonnes d'acier/an

La production d’Ascométal est passée de 900.000 tonnes annuelles d’acier produit de 2005 à 2008 à plus de 700.000t/an en 2010-2011 puis 700.000t. en 2012 et 600.000t. l’an dernier. En 2012, tous produits confondus. Ascométal travaillait à plus de 50% pour l’automobile au sens large et à plus de 80% à destination des groupes européens pour tous les marchés desservis.

Ascométal achète l’essentiel des ferrailles utilisées pour sa production d’acier à plusieurs fournisseurs – dont des recycleurs adhérents de FEDEREC et à ArcelorMittal - et a été doublement impactée ces dernières années par la hausse des prix des ferrailles et des coûts de l’électricité et du gaz utilisés dans ses fours, nous expliquait en 2012 la Directrice des Ressources Humaines du groupe Mme Laure Bevierre.

Ascométal a connu aussi une baisse de son résultat brut d’exploitation supérieure à 50%, suite à une réduction des volumes de ses ventes et à une structure de coûts de production plus élevée, en partie liée à la répartition géographique et au nombre des sites (4 usines sidérurgiques dont celles de Dunes (Nord-pas-de-Calais) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), deux sites de parachèvement, un centre de R&D à Hagondange près de l’usine Ascométal), nous précisait aussi la porte-parole du groupe en 2012.

En 2013, le taux de service du groupe a chuté à 60% suite à des problèmes de qualité, de compétitivité, de délais de livraisons trop longs, suite aussi à des changements de premiers actionnaires trop fréquents au fil des ans, nous confie une source anonyme.

 

Un plan de sauvetage bancaire en 2013

Le plan de sauvetage bancaire mis en place par Bank of America et Morgan Stanley jusqu’à la fin 2013 a contribué selon plusieurs de ces mêmes sources à aggraver la situation d’Ascométal : « Imputer 380 M€ de dette à 12,5% de taux d’intérêt à une entreprise comme celle-là, c’est impossible, non viable », réagit un observateur. « Anchorage et les banques ont pris 34M€ par an à l’entreprise, 68M€ en deux ans, c’est ce qui a provoqué la liquidation », ajoute la même source.

Quelques observateurs se sont montrés très critiques en fin d’année dernière sur le fait que les banquiers de New-York qui ont décidé de « lâcher » Ascométal aient pu auparavant établir un bilan sans demander de business plan détaillé à l’entreprise en effectuant ce travail, lequel a été réalisé sans consulter leurs antennes françaises à Paris.

Mon tout ressemble fort à un fiasco fianciaro-industriel lourd, qui a amené logiquement le Tribunal de commerce de Nanterre a hésiter entre la liquidation pure et simple et la décision de placer le groupe en redressement judiciaire pour quelques semaines, six mois au plus, préconisant de rechercher une solution viable avant mai 2014 pour éviter l’amplification mécanique de la dette déjà trop lourde pour Ascométal.

 

Les offres en présence

C’est dans ces conditions que l’offre déposée par Franck Supplisson, ancien directeur de cabinet d’un précédent ministre de l’Industrie a émergé avec un tour de table jugé crédible par les politiques au pouvoir et par les deux banquiers premiers concernés : MM. Noël Forgeard, ex patron d’EADS, cofondateur d’Ascométal, ancien co-Président du groupe dans les années 80, Guy Dollé, ancien PDG d’ArcelorMittal, Alain Mallart, industriel (un groupe de maintenance industrielle, basé notamment à Hagondange), Daniel Lebars (industriel impliqué dans le contrôle technique), plus trois autres apporteurs de fonds, soit sept industriels prêts à mettre leur argent à la hauteur de 40M€ de capital à ce stade (déjà levés), plus 40M€ de dette privée et 35M€ de prêt d’Etat dont le principe a été obtenu auprès de Bercy peu avant la recomposition du gouvernement.

Coïncidence, Noël Forgeard a été recruté très récemment par la banque d’affaires Arjil, l’une des deux banques venues se porter en soutien de ce tour de table franco-français pour la reprise d’Ascométal, apprend-on sur le site internet Ixarm.com, le portail de l’armement ce jeudi 17 avril. La banque d’affaires Arjil – aussi dite d’Arjil – avait été fondée par l’homme d’affaires français Jean-Luc Lagardère avait d’être rachetée en 2005 par le russe Wladimir Mollof, associé récemment à la nouvelle banque d’affaires Leyne-Strauss-Kahn (LSK) fondée l’an dernier par l’ancien patron du FMI Dominique Strauss-Kahn.

Le plan de reprise proposé par M. Supplisson inclut la sauvegarde de 97% des emplois, garantit les actuels avantages sociaux, déclare que les conventions collectives seront respectées, prévoit aussi l’abandon des créances nord-américaines : « 380M€ à récupérer cela s’appelle de l’usure », nous explique un financier français anonyme. Franck Supplisson

Comparée aux autres offres de reprise d’Ascométal déposées, la seule offre peu ou prou comparable semble selon nos sources être celle de SIDENOR, filiale hispanique du groupe brésilien GERDAU, pour qui M. José Jainaga a déposé un dossier de reprise jugée de bonne tenue par les experts.

L’offre du groupe français FARINIA a finalement été retirée. Un aciériste chinois présentait pour la première fois ce jeudi un projet de reprise partielle d’Ascométal au Comité central d’Entreprise. Mais contrairement au projet Supplisson, qui semble presque à égalité dans les faits avec celui du groupe brésilien GERDAU et sa filiale espagnole SIDENOR, le fonds de retournement nord-américain ANCHORAGE – soutenu par les actuels banquiers américains d’Ascométal et par le fonds Apollo – ne semble avoir que peu de chance d’être accepté par le juge de Nanterre et le syndic Maître Gay.

 

Fos-sur-Mer jugé non viable en l'état

Des éventuels repreneurs allemands annonçent ou laissent envisager des réorganisations du groupe, avec réduction des effectifs et/ou des découpages par appartement des aciéries du groupe en France, en particulier pour le site de Fos-sur-Mer, jugé non viable en l’état, et pour lequel une réaffectation des tâches de production devrait être rapidement mise en œuvre, quel que soit le projet gagnant au début mai.

M. Supplisson, qui jouit des faveurs de la CGT Métallurgie et a rencontré les dirigeants de la CFDT Métaux, a été par le passé directeur de cabinet du précédent Ministre de l’industrie M. Eric Besson, puis nommé depuis administrateur civil hors classe.

 

Une solution française éviterait le risque de démantèlement

Franck Supplisson est également conseiller régional à Orléans (région Centre) et élu local à Montargis dans le Loiret. Son positionnement un rien « OVNI » selon l’une de nos sources pourrait en fait fort bien constituer un plus dans le contexte socio-économique actuel. Son projet tient sur l’espoir analysé par des experts qu’une solution franco-française évite à Ascométal un démantèlement complet suite à une vente par appartements des sites français de l’aciériste, qui n’aboutirait qu’à la captation de ses parts de marché par des groupes basés en dehors de l’hexagone.

On l’a vu en mars dernier, l’un des risques encourus par Ascométal est le blocage pur et simple de ses ventes par ses fournisseurs en ferrailles. Excédés par des retards récurrents de paiement, des recycleurs de ferrailles du sud ont bloqué le site de Fos-sur-Mer peu après la mi mars pour attirer l’attention des autorités régionales et nationales sur leur sort :

 

Christophe Journet

 

La réaction du Ministre de l’Economie, du Redressement productif et du numérique Arnaud Montebourg suite au dépôt des offres de reprise pour Ascométal

 

PARIS (MPE-Média) ) - « La date limite de dépôt des offres de reprise d'Ascometal était fixée au 7 avril. 13 offres de reprises d'actifs ont été déposées auprès du tribunal de commerce de Nanterre. Parmi celles-ci, 9 concernent des sites de productions de l'aciériste et sont portées par des d’investisseurs industriels, français et étrangers, mais aussi des fonds d'investissements », déclare le ministre.

« Ces offres, pour l'essentiel globales et ambitieuses industriellement, confirment les qualités d'Ascométal (ses capacités industrielles, l’expertise de ses personnels, la qualité de ses productions) et les perspectives qui peuvent s'offrir à l'entreprise sur le marché de l’acier », poursuit la même source.

« Le redressement opérationnel d'Ascométal passe par un plan d'investissements exigeant destiné à repositionner durablement l’entreprise en tant que leader sur le marché mondial des aciers spéciaux », continue Bercy.

« Le Ministre de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique sera ainsi attentif au périmètre de reprise des offres, à leur impact en matière d’emplois, aux investissements prévus, ainsi qu'aux ressources financières apportées à l'entreprise », ajoute le ministre.

« Les services du ministère et l’administrateur judiciaire consacreront les prochaines semaines à travailler avec les candidats à la reprise à l’amélioration de leurs projets.

Une audience du tribunal de commerce d’analyse des offres améliorées est prévue à la fin du mois d’avril 2014. »

 

Voir aussi notre article de 2012 via :

http://www.mpe-media.com/index.php?option=com_content&view=article&id=603:acier-social-reorganisation&catid=37:actus-en-libre-acces&Itemid=18

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