PARIS (MPE-Média) - C'est à un véritable plaidoyer en règle pour un "choc de la compétitivté" que s'est livré ce mardi 24 juin Pierre Gattaz, le Président du Mouvement des entreprises de France, reprenant les thèmes de la simplification, de la baisse de la fiscalité du travail, de l'urgence à réduire le nombre de chômeurs en France (11% des actifs), dans le cadre d'un colloque organisé par le cabinet Rivington à l'intention des parlementaires et d'autres pubics à la Maison de la Chimie de Paris. Extraits.

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Pierre Gattaz, convaincant dans son rôle de redresseur de l'économie globale (ph CJ MPE-Média)

"Vers un véritable choc de la compétitivité", voici le thème du jour pour Daniel Fasquelle, Député UMP du Pas-de-Calais, Thierry Mandon, Secrétaire d'Etat en charge de la réforme de l'Etat et de la simplification, Pierre Gattaz, Président du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF), réunis par le cabinet Irvington pour débattre de la relance de notre économie : "l'emploi cela ne se décrète pas, c'est une conséquence de confiance et de compétitivité", a martelé le patron des patrons français face à un public visiblement acquis à la cause dans un amphi de la Maison de la Chimie de Paris.

Format classique : l'homme vient, il parle, il repart sans débattre lui-même avec la salle qui peut, elle, passer du temps à discuter de "la plus grande des injustices qui est de ne pas avoir de travail", explique Daniel Fasquelle, qui souhaite remettre le sujet sur le métier.

Gattaz sait de quoi il parle, brosse le tableau d'un monde trop fermé, qui refuse la chance de la mondialisation, qui confond les enjeux nationaux et mondiaux, d'un pays dont le code du travail est à lui seul une usine à gaz, une sédimentation de règles qui font peur aux entrepreneurs et qui freine la décrue du chômage. 

"La surprotection de certains fait que les jeunes n'arrivent pas à s'insérer dans le marché du travail. Au nom de la Justice sociale, on a pris des mesures qui freinent l'emploi", déclare Daniel Fasquelle avant de repartir à son tour sans en débattre avec la salle.

Inverser la courbe du chômage

Suivent plusieurs tables rondes animées par le journaliste Fabrice Lundy (BFM Business), qui accueille Yves Blein, Député Maire de Feyzin dans le Rhône et le questionne sur le CICE, le Crédit d'impôt compétitivité emploi, avant de débattre avec Pascal Pavageau, secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO), Christian Schmidt de la Brélie (DG de Klésia, sponsor de la journée), Bertrand Martinot (ex DG à l'emploi et à la formation professionnelle) auteur de "Chômage, inverser la courbe".

"20 milliards d'allègements fiscaux sur les entreprises doivent permettre la création de 300.000 emplois", explique Bertrand Martinot, qui ajoute que ces allègements sont efficaces pour les bas salaires en particulier : "si on a un problème de coût du travail en France, où les charges sociales sont parmi les plus élevées de l'OCDE, c'est aussi parce que les salaires continuent à augmenter, même lorsque le chômage est à un taux éevé", ajoute-t-il.

Favoriser l'offre, oui, mais s'il n'y a pas de demande ...

Fort peu d'entreprises représentées dans la salle pour ce colloque au thème pourtant on ne peut plus direct : institutionnels, délégués des Ambassades parisiennes, de BPIFrance, quelques Députés seulement - ils ont du travail, eux - et pas moins de 24 fonctionnaires ou experts délégués par plusieurs ministères dont celui du Redressement productif. 

"C'est bien de favoriser l'offre", explique Pascal Pavageau (FO), "mais cela ne sert à rien s'il n'y a pas de demande, ce qu'expliquait Pierre Gattaz".  La demande ne se décrète pas, elle non plus.

De quoi la compétitivité est-elle synonyme, demande Fabrice Lundy à M. Pavageau? "Le vrai débat n'a jamais eu lieu", lui répond le secrétaire de Force Oiuvrière : "il n'y a pas que le coût du travail, il y a aussi le coût de l'énergie, le coût du transport en France, qui freinent la compétitivité". Tout cela n'est pas très rassurant NDLR.

Interviewé à son tour comme à la radio, le DG de Klézia Christian Schmidt de la Brélie remercie les syndicats parce qu'il a 45 ans aujourd'hui et devient un senior au sens de la protection sociale, celle-la même qui pèse sur les entreprises alors même que les jeunes seniors tombent de moins en moins souvent malades : "n'oubliez pas que nous sommes aussi des zinzins, des investisseurs institutionnels, que nous ne touchons pas un centime de l'Etat", précise ce cadre de la protection sociale.

"Est-il normal que la Poste soit la première bénéficiaire du CICE, avec plus de 400 millions d'euros aujourd'hui", demande un participant dans la salle? "La question du ciblage n'est pas celle de l'engagement contractuel. Le CICE, comme le Crédit Impôt recherche, n'est pas cadré pour faire autre chose que de soutenir l'emploi, il fallait le cibler en amont ce qui permet de cadrer des contreparties", lui répond le syndicaliste de FO. "La question de savoir qui en bénéficie, mais plutôt pourquoi personne ne parle d'une baisse des cotisations sociales", renchérit M. Martinot.

En attendant l'intervention du Secrétaire d'Etat à la Réforme et à la simplification Thierry Mandon, tout y passe et son contraire : la gestion de la téléphonie, le fait de continuer à relever les salaires, l'impact des produits chinois sur l'état de notre économie, l'attrait du Nigéria pour ceux qui aiment travailler dans des pays dépourvus de règles!

L'allocution du Ministre compétent

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Thierry Mandon, secrétaire d'Etat en charge de la Réforme (ph CJ MPE-Média)

Ex Député PS de l'Essone entré très récemment au gouvernement, le secrétaire d'Etat à la Réforme Thierry Mandon préside le Conseil de la simplification pour les entreprises depuis janvier 2014 : "les difficultés dont vous traitez ce matin relève du choc psychologique mais en terme de politiques publiques relève de tout sauf du choc. Nous n'avons plus les outils du choc. Toutes les grandes politiques de relance de la compétitivité doivent être considérées dans la durée et utiliser d'autres moyens. Les anglais ont commencé à simplifier en 1997. Mon homologue anglais m'a dit récemment que cela fait 5 ans qu'il simplifie et qu'il en a pour au moins dix années", commence à dire le Ministre, qui demande à faire faire des études d'impact beaucoup plus fouillées sur la question de la compétitivité, comme c'est le cas dans le dossier de la pénibilité, et de les faire contre-évaluer par des entreprises privées, "sans que l'exécutif se prive de son pouvoir de faire des décrets".

"Il faut se méfier des gens qui disent qu'il faut tout changer! un pays est une fabrique collective. En revanche il faut trouver le chemin de la vision de ce que nous voulons faire de l'Etat dans 10 ans, pour une économie de qualité avec des salaires de qualité", continue M. Mandon, qui flatte au passage les agents de l'Etat, "des gens extraordinaires".

La seconde table ronde de ce colloque débute par une intervention de Jean-Hervé Lorenzi, Président du Cercle des Economistes et organisateur des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, dont le ton change la donne : "il y a une rupture, elle est très difficile à comprendre. Ce qui s'est passé est insensé. peut-être que toutes les raisons de cette rupture sont à aligner, qu'il faut faire un mix et trouver une approche positive. Il me semble que le problème clé est celui de l'investissement. Il faut arriver à saisir ce problème qui explique très largement nos difficultés", explique M. Lorenzi qui souhaite une baisse des charges, et "pas de déni sur la réalité, car nous allons nous taper deux années encore difficiles avec une croissance zéro ou presque, je plaide pour qu'on sorte très vite de la Loi Duflot pour éviter cette récession possible".

Gérer les risques autrement

"Nous avons besoin de mécanismes à la fois européens et français pour allonger l'épargne, de dispositifs de partage des risques, de répondre à la question de savoir comment des sociétés vieillissantes peuvent gérer les risques autrement", ajoute l'économiste venu vendre aussi son dernier livre "un monde de violence". 

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GD : Patrice Prat, Député, Gérard Dussignol, consultant, Marc Goua, Député, Fabrice Lundy, modérateur, Ludovic Le Moan, PDG de Sigfox, Pascal Lagarde, stratège BPIFrance, Stanislas de Bentzmann, Pdt de Croissance plus, Jean-Hervé Lorenzi, économiste (ph CJ)

Ancien de chez BNP Paribas USA et de Goldman Sachs, consultant en investissement, Président du pôle Finances publiques de l'Institut Thomas More, Gérard Dussillol rentre dans le vif : "120 milliards d'impôts en plus chaque année, cela veut dire qu'il reste beaucoup moins d'argent pour investir! Ce qui s'est passé entre 2000 et 2010 montre que le problème a commencé chez nous en 2008. Si on n'a pas d'argent pour investir, on ne peut pas créer de nouveaux produits, développer des entreprises exportatrices et des entreprises à forte croissance. Si on veut inverser la mécanique, il faut réduire cet écart de compétitivité et rétablir la parité de la compétitivité fiscale avec l'Allemagne, réduire le coût des services de l'Etat et réduire son train de vie d'une centaine de milliards", continue M. Dussillol en pointant "l'urgence dramatique, pathétique à baisser ces charges des entreprises".

"Les patrons des petites entreprises n'ont qu'une obession, ne plus avoir de salariés"! répond Stanislas de Bentzmann, le Président de Croissance plus, cofondateur du groupe DEVOTEAM, conseil en technologies de l'information et de la communication présent dans 23 pays en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : "Nous sommes obligés de payer douze personnes rien que pour suivre les questions liées aux charges sociales, au règlementations et qui ne s'occupent pas de nos clients, comment voulez-vous que ça marche?", a-t-il ironisé.

"Un pays qui tombe en déshérence est un pays qui s'abandonne", réagit Marc Goua, ancien de la Banque Populaire et Député PS "d'une commune de banlieue où le chômage attend les 70%", en citant Pierre Mendès-France : "il faut réhabiliter l'entreprise, l'épargne", ajoute le parlementaire PS. "Il faut réorienter le Crédit Impôt Compétitivité Emploi", ajoute M. Goua.

On le voit, les solutions ne manquent pas, sans doute moins que les décisions prises : "notre écosystème de l'innovation est plutôt ien doté. 3/5e des ETI françaises sont dans notre portefeuille, nous intervenons aux côtés des banques en connaissant le marché", explique Pascal Lagarde, stratège de Banque publique d'investissement France, qui estime qu'il y a un vrai "sujet" pour la transmission d'entreprises : "les entrepreneurs âgés doivent transmettre", ajoute-t-il. "En France, nous n'arrivons pas avec les mêmes tickets! Une entreprise américaine de la même spécialité que la notre, l'internet des objets, démarre ces jours-ci avec 100 millions cash là où nous avons démarré voici dix ans avec 15 millions", souligne Ludovic Le Moan, PDG de Sigfox.

 

"Au fond du trou"

"Pourquoi est-ce que je critique la politique économique menée depuis quinze ans? Parce qu'elle nous a mise au fond du trou! vous dîtes qu'il y a une situation d'urgence mais on en fera pas le big bang, alors je suis très inquiet", réagit Stanislas de Bentzmann. "Il nous faut à la fois investir et aussi réduire les déficits pour ne pas augmenter la dette, cela ressemble à la quadrature du cercle. Le premier président de la Cour des Comptes dit qu'il faut supprimer des postes de fonctionnaires, mais quand on lui demande où, il dit non partout", renchérit M. Goua, rappelant que l'Angleterre a supprimé des centaines de milliers de postes de sa fonction publique, comme le Portugal et comme d'autres. 

En fin de débat seulement, le modérateur Fabrice Lundy a posé la question de l'export : "Il nous manque dix à quinze points de marges pour partir à l'export! c'est ça la priorité. Il faut des guichets uniques et des moyens pour y aller", assure le Pdt de Croissance plus. Vaste débat, quoiqu'on puisse en dire.

Christophe Journet

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