PARIS (MPE-Média) – L’édition 2014 du colloque bisannuel de l’ADEME « Filières et Recyclage » devait s’achever ce mercredi 15 octobre après un large tour d’horizon des progrès réalisés dans les différentes filières de collecte, retraitement, réutilisation des matières de plus en plus souvent sorties du « statut de déchet ». Détails.

Inauguré en milieu de première journée par Ségolène Royal, ministre de référence du domaine, le colloque 2014 « Filières et Recyclage » organisé par l’ADEME a de nouveau réuni plusieurs centaines d’acteurs français et européens à la maison de la chimie de Paris.

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GD : Mme Carpentier (Eurométaux), M. Kornberg (FEDEREC), Lt-Colonel Foissier (Gie)

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Lavoisier l’avait compris car c’est ainsi que procède la nature mais, de nos jours, nous produisons sans cesse plus de déchets qu’elle n’en peut recycler à son rythme. C’est donc à nous qu’il incombe d’en réduire l’empreinte écologique qui pollue l’atmosphère, dérègle le climat, détruit la biodiversité et ses écosystèmes, porte atteinte à la santé mais constitue aussi, nous en avons davantage conscience aujourd’hui, un gaspillage économique et une perte sèche », a déclaré Mme Royal avant de repartir à l’Assemblée pour le vote de la loi cadre sur la Transition Energétique.

Accueillis par le Président de l’ADEME Bruno Lechevin, les participants se sont répartis dans plusieurs cycles d’ateliers ou en plénière pour écouter et débattre avec Nicolas Bouzou (économiste d’ASTERES), les grands acteurs du recyclage français que sont les dirigeants d’Envie, de FEDEREC, de la FNADE, du MEDEF, du MEDDE, etc.

Le cadre règlementaire français du recyclage et la lenteur de son évolution ont été de nouveau interrogés par les intervenants, de la « responsabilité élargie producteurs » (REP) pour les déchets diffus spécifiques (DDS) à celle des déchets d’activités de soins à risque (DASRI).

 

Une partie du colloque était consacré à l’économie des filières, plastiques, métaux, DEEE.

Ce mercredi, une matinée passionnante a permis aux spécialistes du réemploi, de la réutilisation et de la réparation de faire le point sur la progression de ces économies de fonctionnalités essentielles au développement de l’économie dite circulaire.

Les succès de « freecycle.org » Repair Café, repar-tout.com, oureparer.com, open bidouille camp ont été évoqués par Anne-Sophie Novel, une consoeur spécialisée dans les métiers du développement durable, du web 2.0 et assimilés. Le nouveau directeur de Rcube.org – lancement le 27 novembre à Paris Renaud Attal est venu parler de cette nouvelle organisation devant fédérer tous les acteurs de cette filière du réemploi.

Remarque intéressante d’un intervenant représentant le Conseil National des Professions de l’Automobile, « il faut faire attention à la dérive travail au noir qui se répand dans ce secteur, qui représente un marché de plus d’un milliard d’euros d’activités non déclarées au fisc contre près de 700.000 euros pour des artisans déclarés qui ont du mal à payer leurs charges », a noté Patrick Poincelet, le président de la branche recycleurs du CNPA.

 

Fuites de matières

Un atelier dédié à la lutte contre les fuites de matières dans les filières de recyclage a permis à des cadres des Douanes, d’Interpol, de la Gendarmerie, des ministères en charge des déchets, des entreprises du recyclage de faire un « zoom » sur les trafics de déchets en Europe et dans le monde, ainsi que sur la structuration des filières dans les pays destinataires.

Un débat sur l’importance des échanges illégaux de déchets et de matières a permis à Peter Wessman, directeur général de l’Environnement à la Commission européne, des responsables du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie (MEDDE) a permis de réaliser à quel point ces trafics continuent à se développer et sont difficiles à enrayer. Une des raisons de cette difficulté est de disposer des réseaux d’intervention et des textes de lois permettant de mettre en œuvre des réponses adéquates dans tous les pays d’Europe.

« Nous souhaitons une harmonisation mais c’est difficile et pourtant essentiel d’y arriver », a déclaré le Pdt d’EUROMETREC et Vce-Pdt de FEDEREC en charge des métaux non ferreux Patrick Kornberg, également membre de la direction de Derichebourg.

Officier de Gendarmerie en charge d’une cellule de lutte contre les vols de métaux rattachée à l’Office central de lutte contre la délinquance, Mme Sophie Foissier et un de ses collaborateurs ont expliqué comment tous les vols de métaux sont à présent répertoriés à l’échelle nationale. La Gendarmerie a détaché un officier à la SNCF pour enquêter sur les vols de métaux et un policier est intégré aux services d’Orange dans le même but.

Les pannes sur le réseau internet ont parfois comme origine des vols de cables sur les lignes d’Orange ou d’autres prestataires de service pour le web.

« Votre TGV a 2, 3h de retard et on ne vous dit pas forcément qu’un cable a été volé durant la nuit et qu’il faut réparer le réseau pour que votre train reparte », explique Mme Foissier, qui pense qu’il faudrait « agréger les synergies pour mieux lutter contre les vols de métaux ».

« Quand on discute avec certains recycleurs ils vous disent que certaines personnes viennent les voir avant les vols et qu’ils le signalent mais qu’ils ne sont pas arrêtés », explique M. Kornberg.

« Nous sommes sur de la criminalité organisée avec des chefs des contrôleurs régionaux et des petites mains qui font les vols, les matières étant exportées la nuit qui suit le forfait », explique ce gendarme.

La gendarmerie pratique des saisies de véhicules ou patrimoniales lorsque des faits avérés montrent qui sont les responsables des vols : « certains de ces délinquants ne craignent pas les peines de prison. Par contre, ils n’aiment pas qu’on s’en prenne à leurs biens », explique Mme Foissier.

« Huit malfaiteurs volent en une nuit 14 tonnes de nickel dans un site du nord. Nous les arrêtons, signalons le vol à la société qui gère le site qui nous dit, non, ce n’est pas chez nous, pour rappeler peu après et nous confirmer que c’est bien chez eux qu’a eu lieu ce vol », ajoute-t-elle pour illustrer le problème.

 

Volumes de métaux volés non connus pour environ 13.000 faits commis en France l’an dernier

Difficile d’estimer le poids de ces vols indexés ou non, explique un gendarme, la Gie travaille en nombre de faits et de faits résolus, difficile donc d’avoir des tonnages précis du volume des vols. En 2013, la Gie et la Police ont recensé 13.000 faits, 7.000 de janvier à août 2014, même tendance, avec un effet négatif sur le vol des pots calalytiques qui devient exponentiels. Les employés ne représentent que 2% des auteurs découverts. Les itinérants français et les familles itinérantes européennes constituent une autre partie des auteurs.

Quantifier les exportations illégales de cuivre est aussi complexe : 1,4 M tonnes de déchets de cuivre sont exportés chaque année de l’UE et 600.000 tonnes d’aluminium, ce qui représente surtout de l’énergie et son coût qui est de plus en plus élevé : « lorsque 600.000 tonnes d’aluminium partent à l’étranger et sachant que nombre de producteurs européens aimeraient pouvoir en acheter davantage on peut se poser des questions », explique <mmer Annick Carpentier directrice du développement durable d’Eurométaux (Bruxelles).

 

Encore beaucoup de travail à faire

Annick Carpentier insiste sur le fait que le potentiel de recyclage des métaux et métaux critiques est encore très important, le taux actuel de recyclage allant de 1% à 95% pour les métaux.

Eurométaux estime que 25% des déchets exportés le sont illégalement, au détriment de la compétitivité des entreprises qui respectent la loi : « il faut un commerce libre ET équitable, rendre le contrôle plus facile lorsque les règles ne sont pas respectées », dit Mme Carpentier.

En conclusion, on peut dire que cette question des vols de métaux ou d’autres matières est déterminante pour évaluer l’efficacité du recyclage dans l’ensemble des pays, car la performance globale est encore très altérée par cette forme de déliquance.

Un nouveau projet européen « Waste DEEE » (WEEE) est en cours de lancement pour mettre en œuvre des mesures de lutte contre les vols de déchets d’équipements électriques électroniques, regroupant l’ensemble des secteurs de production et de recyclage concernés.

Enfin, on rencontre parfois des initiatives originales dans ces colloques, comme celle de Laurent Carpentier, fondateur d’AESEC à Pau, une société qui s’est fixée comme objectif de laver des bouteilles de contenus divers (vins, eaux, laitages, etc.) pourvu qu’elles soient standard, collectées, consignées et réutilisables une fois lavées et aseptisées pour renvoi au producteur (contact : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. ).

 

C.J.

Voir aussi sur :

www.ademe.fr

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