PARIS (MPE-Média) -  La Société Française d'Énergie nucléaire (SFEN) ouvrait ce jeudi 30 novembre à Paris deux journées de colloque sur le nucléaire, "l'heure des choix", la "place et l'évolution de l'Énergie nucléaire dans le futur", organisées à l'intention des professionnels du secteur et des secteurs connexes. Détails.

Le nucléaire est concerné par une question "d'acceptabilité", comme pour les activités minières, d'abord, explique le Président de l'AIFEN Gérard Kottmann (Institut Montaigne) en ouverture de ce colloque, puis par des questions de financement, de compétitivité coût de cette énergie, l'orateur parlant enfin de la "nécessité" du nucléaire pour faire face au risque posé par le réchauffement climatique, cette énergie étant à ce jour la plus neutre en carbone selon les observateurs.

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Gérard Kottmann, Président de l'AIFEN présentant le rapport 2017 de l'Institut Montaigne (Ph CJ MPE-Média)

Citant le scénario 450 de l'Agence Internationale de l'Énergie (AIE), M. Kottmann décrit l'état actuel de la production d'énergie nucléaire dans le monde en listant les choix par pays : parmi les 15 premières économies mondiales, seules trois d'entre elles, l'Allemagne, l'italie, l'Australie se distinguent par leur refus ou leur statut de sortant du nucléaire civil, avec un point d'interrogation pour la Corée du Sud qu'un séisme récent a inquiété, sans conséquence pour leurs installations nucléaires comme ce fut le cas au Japon pour Fukushima.

Les recommandations de l'institut Montaigne, think tank basé à Paris, sont les suivantes : 

- Réintégrer le nucléaire dans la mise en oeuvre des concusions de la COP21

- Edicter des règles communes à toutes les autorités de sûreté dans le monde

- Mettre en oeuvre une communication positive à ce sujet.

Concernant l'Europe et le nucléaire, Gérard Kottmann fait remarquer que la France ne défend pas le sujet à l'échelle de l'Europe, où "le nucléaire n'a pas droit au statut d'énergie décarbonnée, contrairement aux énergies dites renouvelables. Le cas de l'Allemagne, dont la consommation de lignite a explosé depuis l'annonce de sa "sortie" du nucléaire post Fukushima* - alors que RWE reconnaît faire tourner encore 3 centrales nucléaires en complément de l'énergie achetée à la France pour compenser les fermetures de ses autres centrales nucléaires NDLR - eset remarquable ; en Europe, 300 centrales au charbon fonctionnent encore à ce jour, le prix du carbone étant "trop peu dissuasif".

L'Institut Montaigne propose donc de "réintégrer le nucléaire dans les propositions sur l'union de l'énergie, traduire les enjeux de décarbonation dans les mécanismes européens relatifs aux énergies, enfin mettre en place les conditions indisoensables au financement de projets nucléaires sur le sol européen".

49€/MWh pour le nucléaire, davantage pour les ENR, 55,5€/MWh pour le solaire français, contre 17,7$/MW/h pour le PV mexicain

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Un rapport édité en 2016 par l'Institut Montaigne et réactualisé depuis (Ph MPE-Média)

En France, Gérard Kottmann et l'Institut Montaigne assurent que "le nucléaire reste compétitif en terme de prix à la production et de coût des externalités", tandis que le prix des renouvelables reste plus élevé en euros par mégawatt/heure : 49€/MWh pour le nucléaire à ce jour, à comparer avec une moyenne variable du coût du solaire photovoltaîque français de 55,5€/MWh à 63,9€/MWh et de 17$/MWh à 25$/MWh du Chili au Moyen-Orient.

L'analyse des impacts humains du charbon montre qu'il provoque beaucoup plus de dégâts pour la santé des habitants des pays qui l'utilisent pour produire leur électricité.

En conclusion, M. Kottmann présente plusieurs hypothèses quant au nombre de centrales EPR nécessaires pour répondre à la demande d'énergie en 2030, proposant de remettre en cause le seuil de 50% de nucléaire  en 2025 et rendant hommage au Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire pour son annonce récente d'un report à 2035, au mieux, de la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique de l'hexagone.

Enfin, M. Kottmann note la nécessité d'une refonte de la filière, suite à la crise vécue par AREVA, EDF, ainsi qu'au "mauvais pilotge de l'Etat actionnaire". Une crise qu'il traduit par l'addition des risques et des opportunités non analysés à ce jour. "la filière a besoin de plus de visibilité, d'une montée en puissance de ses ETI et PME et d'un vrai développement à l'export, l'Institut Montaigne recommandant aux dirigeants du nucléaire français de '"doter la France d'un chef de file compétitif ; soutenir les PME et ETI de la filière ; flécher les efforts de R&D vers l'amélioration de la compétitivité de la filière ; mettre en place une gouvernance industrielle de la filière forte".

Au programme de ce colloque :

- La présentation de la progression des énergies renouvelables en France et dans le monde, hydraulique incluse, des besoins en investissement pour accélérer leur dévelopement, les ENR représentant en septembre 2017 de 17 à 19% de l'énergie consommée, 18,9% au 3ème trimestre 2017, avec un coût moyen récent de l'éolien, du solaire et du photovoltaïque qui a baissé récemment notamment grâce au système d'achat par enchères saisonnières.

- Le stockage de l'énergie, vecteur de la transition énergétique

- Le programme du "grnd carénage" chez EDF, son planning, son coût, etc.

- Les améliorations post Fukushima dans les installations nucléaires mondiales

- Les nouveaux modèles d'EPR, les autres concepts de réacteurs en développement

- La transition vers la 4ème génération nucléaire, préssentée par le CEA

- Les autres réacteurs innovants (SMR, NusCale, le nucléaire du futur).

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Un monde en pleine mutation

"Le monde de l'énergie est en pleine mutation, le développement des ENR et des énergies intermittentes ou variables amène à se demander quelle est la place juste du nucléaire de nouvelle génération dans ce mix", explique Vincent de Laleu (EDF). Et là, les jeux sont loins d'être faits et ne le seront pas d'une façon arbitraire : "nous parlons plutôt d'une approche privilégiant l'adaptation, la souplesse dans ce cheminement que le choix de proportions très difficiles à arrêter dans la durée", nous explique Valérie Faudon, Déléguée générale de la SFEN qui organisait ces deux journées.

L'exemple allemand présenté par Hartmut Lauer montre que la sortie réelle du nucléaire de ce pays ne serait effective qu'après 2023, avec 40% d'énergie fournie par de la lignite et du charbon, l'éolien et le solaire représentant 19% de la production totale en 2016 contre 13% pour le nucléaire encore en service outre-Rhin, malgré une augmentation "fulgurante" de la part des ENR dans l'énergie consommée l'an dernier. M. Lauer conclut qu'en l'absence de solutions de stockage, le développement massif des ENR et plus particulièrement des énergies intermittentes, exige le maintien de l'intégralité des moyens de production permettant de réguler les pics de la demande (...), l'arrêt complet du nucléaire et celui à venir du thermique au charbon induisant un risque de rupture en cas de forte pointe de la demande à partir de 2020". Et d'ajouter que "l'Allemagne fait actuellement reposer la stabilité de son réseau sur ceux de ses voisins".

 Christophe Journet

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* L'ex dirigeant allemand du groupe RWE, premier producteur allemand d'énergie, nous a confirmé en octobre dernier à Bruxelles avoir été obligé de négocier pied à pied avec la chancelière Angela Merkel le maintien en activité d'au moins trois centrales nucléaires outre-Rhin pour éviter le risque de rupture majeure dans la distribution d'électricité en Allemagne après la décision de sortie du nucléaire. Il nous confirme également avoir critiqué ce choix critique pour les industries électro-intensives, pour les particuliers qui paient plus cher leur électricité, pour la qualité de l'air en Europe amoindrie par l'usage de tonnages considérables de charbon pour compenser la perte en production d'énergie de source nucléaire chez nos voisins allemands.

 

Voir aussi sur :

www.aifen.fr

www.sfen.org

BANNIERE_ENGLISH_2015

BANDEAU_PROMO_MPE_2017

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Mis à jour (Vendredi, 01 Décembre 2017 11:07)