PARIS (MPE-Média) – La polémique sur l’usage des quotas de CO2 non utilisés et donc gagnés en valeur par Duferco enfle en Belgique depuis que le sidérurgiste suisse a annoncé récemment devoir fermer définitivement son haut-fourneau  belge de Charleroi-Marcinelle, Carsid, mise « sous cocon » depuis la fin 2008 et qui emploie un millier de personnes. Explications sur cette nouvelle fermeture après ArcelorMittal Liège en 2011, jugée inévitable par les experts.

Duferco a motivé sa décision en évoquant à la fois la conjoncture internationale, l'instabilité du secteur et la faible compétitivité de Carsid, notant qu’un redémarrage du site, même partiel, n'était pas envisageable, a expliqué le groupe dans un communiqué.

Le haut-fourneau de Carsid, filiale belge de Duferco, basé en Suisse, a produit près de 2 millions de tonnes de fonte en 2007 avant de devoir être stoppé à titre provisoire en décembre 2008.

« Il y a un accord sur le principe de fermeture. La négociation est en cours. Elle ne devrait pas poser de problème majeur », note Marcel Genet, consultant spécialisé acier, PDG de Laplace-Conseil.

Les raisons de la fermeture

Le ministre belge du travail Jean-Claude Marcourt a fait savoir plus récemment qu’il se donnait quinze jours pour faire des propositions à la direction de Duferco.

« M. Marcourt se présente à des élections communales à Liège pour la première fois à l’automne et son point de vue est assez proche de celui des syndicats. Il faut voir qu’à Carsid la cokerie a déjà été arrêtée. Le site ne peut donc pas redémarrer. Il aurait besoin d’une nouvelle cokerie, soit un investissement de 300 M€, ce qui est énorme. Duferco a de très bonnes relations avec la Wallonie et a cherché à trouver un repreneur, en vain. Pendant la période de mise en sommeil, les charges étaient couvertes par la revente des quotas de CO2 dont la baisse en valeur a compromis ce dispositif. A ArcelorMittal Liège et à Florange, le financement du chômage partiel était assuré par la vente du charbon à coke à prix coutant d’une unité à l’autre. ArcelorMittal ayant racheté l’an dernier la cokerie Prosper (Rhur, Allemagne), il est en situation d’excédent sur ces ventes de coke et peut donc théoriquement financer le maintien de la phase à chaud », explique Marcel Genet (Laplace Conseil).

Mais même comme ça, cela ne résout pas le problème premier qui est le risque de créer de nouvelles surcapacités d’acier susceptibles de déstabiliser ce marché, déjà confronté aux importations russes et asiatiques, en l’absence de mesures européennes anti-dumping sur les produits plats en acier.

La polémique enfle

Les autorités locales et le bourgmestre de Charleroi tentent aussi actuellement de retrouver un avenir pour le site de Marcinelle, tandis que la polémique enfle sur le fait que les sommes payées au titre des années 2009 à 2011 à Duferco au titre des cotas de CO2 non utilisés, pour plusieurs millions d’euros, ont servi à financer le chômage partiel puis total du personnel et laisseraient même un solde confortable à l’entreprise.

Le bénéfice s’élève à 140 M€

« Grâce aux quotas d’émissions de CO2, Carsid a continué à rapporter de l’argent à Alberto Gozzi (Duferco). Depuis 2005, Carsid a reçu 16,4 millions de tonnes d’émissions de CO2 au-delà de ses émissions effectives », explique Germain Mugemangango, le président du Parti du Travail de Belgique à Charleroi.

« Ces quotas ont été vendus sur le marché des quotas et ont généré un bénéfice total de 140 millions d’euros ces 3 dernières années», poursuit le PTB qui déclare avoir croisé deux types de données sur des sites spécialisés.

« D'une part, on peut constater que, depuis 2005 (début du marché d’émissions de carbone), Carsid a reçu un quota d’émissions de CO2 de 16,4 millions de tonnes de plus que ses émissions réelles. 2009, 2010 et 2011 sont des années sans émission effective, puisqu'il n'y a pas eu de production. Cela n'a cependant pas empêché Carsid de bénéficier, grâce à la Région Wallonne, d'une allocation de quotas d’émissions de CO2 de 3,4 millions de tonnes par an », ajoute le PTB.

13,5€/tonne de CO2

« D'autre part, le prix moyen des ces quotas a été, dans la période de 2009 à 2011, de 13,5 euros la tonne. On arrive ainsi à un bénéfice de 45,9 millions d'euros chaque année, soit un total de 137,7 millions d'euros », conclut-il.

Duferco n’a pas à notre connaissance fait de commentaire à ce sujet, le PDG de la filiale belge Antonio Gozzi ayant lui-même précisé peu après l’annonce de la fermeture du site que le groupe avait pu gérer la situation du chômage partiel d’une tourne toutes les huit semaines au plus grâce aux quotas de CO2 non utilisés : « L’Europe connaît aujourd’hui une surcapacité de 50 millions de tonnes, a-t-il expliqué. Parallèlement, le prix du minerai a triplé, nous n’avons pas pu trouver non plus de repreneurs. La fermeture s’impose », a donc conclu M. Gozzi.

Christophe Journet

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Mis à jour (Jeudi, 27 Octobre 2016 16:15)