PARIS (MPE-Média) – La France recèle aussi un potentiel réel de terres rares sur son territoire, tout comme d’autres pays d’Europe, la Suède notamment où le groupe LKAB travaille sur un projet, a confié à MPE-Média M. François Bersani, haut fonctionnaire de Bercy en charge du Comité des Métaux Sratégiques (COMES), en marge d’un colloque du Studium à Orléans.

TERRES_RARES_APPLI_THALES

Terres rares et leurs applications (ph CJ MPE-Média source Thalès)

«L’Union européenne et la France ont décidé de réaliser un inventaire de leurs propres ressources en terres rares. Il y a aussi des terres rares en France, tout comme en Suède où le groupe minier LKAB a un projet déjà en cours », précise François Bersani, sans dévoiler pour autant les régions concernées ni les volumes potentiels à explorer.

Louable initiative que celle du Studium, institution basée à sur le campus d’Orléans de réunir cette semaine une cinquantaine de chercheurs et de cadres industriels européens, brésiliens, canadiens, tous concernés par la question de l’offre et de la demande en terres rares, afin d’évaluer la progression des recherches fondamentales mais aussi de l’inventaire de la demande industrielle réelle de ces 17 minerais jugés stratégiques dans les pays d’Europe, autres pays développés et pays émergents.

 

FRANCOIS_BERSANI_2012Intervenant dès l’ouverture de ce colloque - qu’un autre doit suivre les 10 et 11 mai, sous un angle plus environnemental et hydro-géologique (les terres rares abondent aussi dans les milieux marins, sous-marins et fluviaux) - M. Bersani (photo ci-contre) s’est déclaré optimiste quant aux possibilités de trouver des solutions raisonnables et pacifiques pour résoudre cette question des approvisionnements en matières premières.

 

« Il n’y a pas de tout partout. C’est important. La Chine a beaucoup de mines, irrégulières, des exploitations méconnues. Les chinois commettent comme tout le monde des erreurs, mais ils sont en train d’évoluer», a précisé M. Bersani. La Chine produit actuellement 97% des 125 à 130.000 tonnes des 17 éléments minéraux dénommés terres rares dont font partie le scandium, l’yttrium, quinze lantanides, et qui voient leur utilisation augmenter dans plusieurs secteurs d’activités dont l’automobile, l’opto-électronique et les produits high-tech, l’aéronautique, la Défense, le médical.

 

« Sur le plan des gisements océaniques, les recherches avancent aussi dans les milieux sous-marins avec le BRGM et d’autres sociétés en Océanie, en Méditerranée, où des nodules poly-métalliques contenant des terres rares pourraient aussi être exploitées», a expliqué aussi le Président du Comité des Métaux Stratégiques répondant aux participants du colloque du Studium d’Orléans.

 

Association des producteurs de terres rares à Pékin

La récente création par Pékin d’une association chinoise des producteurs de terres rares a bien été notée à Paris, mais la démarche n’est pas perçue comme une volonté de la Chine de renforcer la position dominante qu’elle détient de facto faute d’offre concurrente, l’australien Lynas mis à part avec ses opérations en Indonésie et des projets en Australie.

« Il est normal que les producteurs d’un pays se regroupent par branches professionnelles, en Chine comme ailleurs. L’Europe, les Etats-Unis, le Japon ont engagé une démarche auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) concernant la gestion par la Chine de ses exportations de terres rares. Si cette association chinoise en venait à enfreindre les lois sur le commerce international alors que la Chine adhère à l’OMC, alors il faudrait que d’autres actions soient engagées en justice », a souligné M. Bersani.

« Il me semble qu’il faut d’abord regarder l’origine des matières dans le monde. Il faut dire que chaque pays a tout à fait le droit de protéger ses ressources et qu’il doit aussi respecter les règles des échanges internationaux en traitant d’une façon juste l’ensemble de ses partenaires globaux », a réagi le Professeur Friedrich Wellmer, l’un des pères fondateurs du Studium, ex patron de l’équivalent allemand du Bureau des Recherches Géologiques et Minières (BRGM) français, intervenu ce jeudi à Orléans sur le thème du « managment durable des ressources minérales ».

Le seul recyclage n’y suffirait pas

« L’objectif est la prédictibilité des gisements primaires dans l’espace européen, car même en amplifiant le recyclage des terres rares, cela ne suffira pas à répondre à l’augmentation de la demande », a prévenu M. Dominique Guyonnet (Ecole nationale de géologie et BRGM).

Douze projets d’exploration et recherche de minerais de terres rares sont en cours dans des gisements connus dans le monde, deux mines sont en production, dont celle de Bayan Obo en Chine, les mines Etats-uniennes de Moutain Pass et de Mont Weld devant ouvrir en 2012 ou 2013 au plus tard, dans des sites déjà connus depuis l’après-guerre.

« Pour le cernium, il n’y a pas de criticité d’accès, on observe plutôt des surcapacités. Pour le terbium, qui sert à produire des lampes et éléments LED à basse consommation d’énergie, il y a une réelle criticité d’accès, un risque réel de pénurie», précise un intervenant.

Outre-Rhin, où le Deutsche Rohstoffagentur (DERA) – l’homologue du BERGM français – travaille d’arrache-pied sur ces problématiques du côté de l’offre à relier à la demande des industriels, précisement recensée, les terres rares sont inscrites sur la carte des risques de rupture de la chaîne des approvisionnements en ressources naturelles : « la demande future en Allemagne a été analysée en détal par postes, par secteurs d’activités, pour l’automobile, les technologies du futur, les renouvelables, nous savons qu’il nous faudra au moins 5 à 10 ans pour mettre la production sur pied sur notre territoire. Nous déterminons une stratégie pour faire se rencontrer l’offre et la demande à court, moyen, long terme et recherchons activement des fournisseurs alternatifs», a expliqué le Docteur Peter Buchholz, nouveau directeur du DERA basé depuis peu à Berlin, plus près des centres de décision politiques et stratégiques.

Une chose semble sûre à écouter les intervenants du colloque du Studium à Orléans : le couple franco-allemand fonctionne bien. Autre raison d’être optimiste, comme l’est François Bersani, qui sait comme la plupart des constructeurs automobiles et des avionneurs, Dassault compris, que les capacités de production mondiale attendues en 2014 approchent les 170.000 tonnes l’an de terres rares, mais que la demande globale est anticipée à près de 700.000 tonnes annuelles à l’horizon 2030.

TERRES_RARES_STUDIUM_02

Table ronde Studium à mi-parcours entre chercheurs et industriels (ph MPE-Média)

 0,5 à 4,5 kilo/Voiture

Sachant qu’une voiture thermique contient 0,5 kilo de terres rares en moyenne pour près de 4,5 kilos pour une voiture hybride, proportion qui devrait baisser considérablement dans le cas des hybrides à batteries au lithium-ion, les spécialistes estiment à une fourchette de 60 à 80 dollars par voiture neuve le prix des terres rares utilisées en fabrication.

« Des études de cas ont démontré que les fluctuations de prix peuvent affecter considérablement l’approche de ces marchés, en pente forte depuis 2010 », affirme Robert Lützeler, cadre chez Ford Motor.

« Les prix et le risque prix des matières comme l’acier sont mieux connus et assez bien analysés », renchérit-il. Car les équipementiers automobiles eux-mêmes entretiennent le secret avec leurs clients finaux sur ce point, alors que le développement du marché des voitures électriques, celui des nouveaux modes d’éclairage à ampoules LED passe par plus de transparence sur les intrants variables des coûts de production. Sans référence à une indexation des matières vendues sur le marché spot, aucune couverture risque n’est possible (à suivre).

Christophe Journet

2e colloque les 10 et 11 mai, Studium Orléans.

http://lestudium.cnrs-orleans.fr

A voir aussi:

Le Japon et les terres rares, une vidéo d'Arte


Retour vers le haut

Mis à jour (Jeudi, 27 Octobre 2016 14:56)