PARIS (MPE-Média) – Le Fonds stratégique industriel (FSI) a été contacté par le groupe producteur d’aluminium Rio Tinto Alcan basé au Canada et sa filiale française, qui maintient vouloir céder ou fermer la division produits longs de Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) et son laboratoire de recherche fabrication. Stressante, l’information a conduit le Ministre du Redressement Productif M. Montebourg à chercher à réunir l’ensemble des industriels concernés par ce dossier « afin de déterminer les meilleurs options d’avenir », annonce Bercy. Du côté de Rio Tinto, l'avenir semble être ailleurs qu'en France et les conséquences pour nombre de secteurs industriels pourraient bien être lourdes.

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Mme Jacynthe Coté, PDG du groupe canadien Rio Tinto Alcan a déclaré mercredi soir en vidéo-conférence entre la direction de Rio Tinto Alcan, des responsables des ressources humaines et de la sécurité et les partenaires sociaux, que le groupe « renonçait à négocier avec EDF un contrat pluri-annuel de 2014 à 2015 ou 2025 », seul moyen susceptible de sauver économiquement la mise pour les sites français producteurs d’aluminium, les électro-intensifs dont fait partie celui de Saint-Jean-de-Maurienne.

«Nous avons dit aux employés et aux organisations syndicales que nous poursuivons le processus de recherche de repreneurs potentiels, en invitant ces derniers à poursuivre les négociations avec EDF et le gouvernement français sur l'approvisionnement énergétique », nous précise Mme Séverine Gérardin, la porte-parole pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique du groupe canadien.

Fermeture en cas d'échec de la recherche de repreneurs

Mme Jacynthe Côté, PDG de Rio Tinto Alcan a ajouté qu'en cas d'échec de ce processus, « une fermeture devrait être envisagée ».

M. Eric Ryan, Senior-vice président de Rio Tinto Alcan impliqué dans les négociations est venu plusieurs fois ces derniers temps participer à des réunions avec l’équipe de direction française du groupe, nous confirme une source canadienne.

M. Abel Martins-Alexandre, Vice-président de Rio Tinto Alcan en charge des fusions/acquisitions s’est occupé également depuis peu de St-Jean-de-Maurienne et auparavant des dossiers Alcan composites, de Constellium, Lynemouth (Angleterre), ainsi que M. Sébastien Merlot, l’un des responsables techniques du groupe basé à Montréal, nous explique une autre source.

M. Frédéric Huguet, autre dirigeant de Rio Tinto, s’occupe de la partie énergie du dossier qui provoque le projet de cession faute d’accord avec les grands producteurs d’électricité, EDF ou d’autres.

Le directeur de l’usine de Saint-Jean-de-Maurienne M. Loïc Maenneur n’y passe plus que 20% de son temps, mais travaille beaucoup sur la cession, apprend-on de nos sources locales.

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Le site de Saint-Jean-de-Maurienne (ph SD Rio Tinto alu)

Plusieurs réunions récentes à Paris

« Nous avons eu trois réunions avec M. Montebourg, en juin, une autre le 24 juillet avec des élus des deux bords, puis celle du 16 octobre. Depuis lundi, en Comité d’Entreprise, la direction de Rio Tinto nous a déclaré qu’elle ne signerait pas de nouveaux contrats d’énergie pour Saint-Jean-de-Maurienne, ce qui signifie qu’ils ne garderont pas SJDM dans le périmètre du groupe. Il ne reste plus que deux options, la cession ou la fermeture. Le périmètre mis en vente correspond à l’ensemble de l’usine », nous déclare M. Jean-Jacques Martin, Délégué Syndical pour la CFE-CGC Usine de St-Jean de Maurienne et représentant syndical central pour Aluminium-Pechiney.

Engagé depuis plusieurs mois suite à la réorganisation entamée par le groupe Rio Tinto Alcan en Europe et dans le monde, le processus de cession du site de Saint-Jean-de-Maurienne – ou de fermeture pure et simple, affirmaient certains partenaires sociaux au début 2012 – inquiète de plus en plus les élus de Savoie et l’intersyndicale locale, dont les membres ont été reçus ce mardi par le ministre du Redressement productif M. Arnaud Montebourg et son homologue délégué en charge de la formation professionnelle et de l’apprentissage M. Thierry Repentin, également élu savoyard.

« Le Fonds Stratégique Industriel (FSI) a été contacté par Rio Tinto Alcan. Nous avons pris acte du processus de recherche de repreneur », a annoncé Bercy peu après ce rendez-vous initialement prévu en septembre et reporté en octobre pour des raisons d’agenda ministériel.

M. Montebourg a bien réaffirmé mardi dernier son opposition à la fermeture pure et simple et/ou à la séparation du site et de son laboratoire de recherche fabrication pour une vente par appartement des moyens de SJDM.

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Bobines de fil machine en aluminium fabriqué à Saint-Jean-de-Maurienne (ph SD Rio Tinto Alcan)

Contrat pluri-annuel d’apport d’électricité

Compromis par la hausse des coûts de l’énergie pour les industries électro-intensives – lire notre précédent article consacré à l’EAA (Association européenne de l’aluminium) au salon aluminium 2012 de Dusseldörf – l’avenir du site semblait de nouveau garanti par un compromis portant sur un contrat pluri-annuel de fourniture d’électricité pour la période allant de 2014 à 2025 dont les termes ont été posés à la fin du premier trimestre 2012, affirmait la CFE-CGC, lorsque les conditions de marché se sont de nouveau déteriorées au niveau global.

Anciennement connu sous le nom d’Aluminium-Péchiney, le site de production de produits en aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne emploie près de 650 équivalents temps pleins dont plus de 200 intérimaires. Ses principaux clients sont les groupes Nexans et Pirelli (cableurs). Selon nos sources, le site aurait besoin de plusieurs dizaines de millions de dollars pour redresser sa compétitivité à l’échelle mondiale.

Les responsables syndicaux – parmi lesquels figure M. François Hommeril, délégué national et européen pour la CFE-CGC au sein du groupe Rio tinto Alcan – estiment que la donne a changé. Ils opposent les 50 millions de dollars d’investissement jugés nécessaires à SJDM « aux 7.700 millions de dollars distribués cette année aux actionnaires du groupe ».

Le SYCABEL se dit inquiet de la situation

Le Syndicat des cabliers, le SYCABEL, se dit inquiet des projets de cession ou de fermeture en cours, craignant de manquer de charge suffisante à l’avenir pour ses livraisons : « Disposant d’une capacité de production de l’ordre de 120.000 tonnes d’aluminium par an l’usine de Saint-Jean de Maurienne est le seul site en France qui produise du fil machine d‘AGS (alliage d‘Aluminium-Magnésium-Silicium) et du fil machine d’aluminium de qualité électrique. Tous deux sont nécessaires respectivement pour la fabrication des conducteurs pour lignes aériennes nues et pour la fabrication des câbles isolés (haute, moyenne et basse tensions) qui équipent les réseaux français de transport et de distribution d’énergie », explique le SYCABEL et son Délégué général M. Régis Paumier.

« Dans l’hypothèse d’une fermeture du site, cette situation pourrait s’aggraver et durer de nombreuses années. L’approvisionnement devrait alors se faire hors d’Europe sans garantie de qualité équivalente. La hausse du prix de transformation se situerait alors entre 50 et 100 %, auxquels s’ajouteraient des coûts logistiques élevés et des droits de douanes de 7,5 %. L’impact sur les câbles isolés et conducteurs nus serait en conséquence », poursuit le SYCABEL.

L’industrie française du câble est le principal utilisateur des produits de l’usine de Saint-Jean de Maurienne. Elle y approvisionne à hauteur de 50% ses besoins en fil l’aluminium de qualité électrique et la quasi-totalité de sa consommation de fils AGS.

« Mais si Rio Tinto ou un éventuel repreneur devait accepter dès 2013, avant le passage au nouveau tarif d’électricité attendu en 2014, de payer les surtaxes vertes européennes anti-émissions de CO2 – les fameuses ETS – alors les logiques environnementales auront eu définitivement raison de l’aluminium européen », affirment plusieurs de nos sources locales et à Bruxelles.

Bercy dit s’être engagé auprès des collectivités locales et des syndicats et par l’intermédiaire du FSI à ce que « la discussion avec Rio Tinto Alcan porte sur l’ensemble de la filière aluminium en France, avec pour objectif de promouvoir son développement dans l’hexagone, où l’aluminium a été inventé ». Mais pour l’heure, il semble que Rio Tinto Alcan se soit fixé une toute autre priorité.

Christophe Journet

Voir aussi sur :

www.riotintoalcan.com/FRA/index.asp

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Mis à jour (Vendredi, 21 Octobre 2016 14:37)