PARIS (MPE-Média) – Le premier ministre français a créé la surprise en annonçant en milieu de soirée ce vendredi que le PDG du groupe ArcelorMittal acceptait de ne pas fermer les hauts-fourneaux de sa filiale Atlantique Lorraine à Florange. Selon l’annonce de Matignon, le groupe ArcelorMittal doit réinvestir près de 180 millions d’euros dans le site afin de pouvoir relancer les deux hauts-fourneaux pour y réaliser l’expérimentation européenne ULCOS (phase 2) de captation des émissions de CO2 en sortie d’usine. La décision prend totalement à contrepied les dernières annonces du Ministre du Redressement productif aux délégués syndicaux et à la presse. Les syndicats se déclarent déçus de l’option retenue par le gouvernement, plusieurs leaders se déclarant même « trahis ». Verbatim de la déclaration du premier ministre.

JEAN_MARC_AYRAULT_portrait_carre_pierre_chabaud_mat_46« Depuis son installation, le gouvernement a travaillé sans relâche pour que le site industriel de Florange continue à vivre et à se développer et pour que ses salariés soient protégés », a commencé par expliquer le premier ministre Jean-Marc Ayrault (photo SD Pierre Chabaud service de presse de Matignon)

« Le gouvernement avait trois objectifs : pas de plan social, des investissements importants sur le site, et le maintien des hauts fourneaux de Florange pour permettre la préparation d’un projet industriel d’avenir, ULCOS – Ultra Low CO2 emissions captation system NDLR. Le groupe ArcelorMittal a accepté les conditions que j’ai formulées : Ce soir, je vous annonce qu’il n’y aura pas de plan social à Florange », poursuit M. Ayrault.

« Le groupe Mittal s’est engagé à investir au moins 180 M€ sur les 5 prochaines années à Florange. Ainsi, les activités du site liées à la filière froide, et notamment l’emballage, seront pérennisées et renforcées par un programme d’investissements industriels. Cela permettra de sécuriser les salariés qui travaillent dans ces activités », continue M. Ayrault.

Ancrage industriel

« ArcelorMittal a réaffirmé son ancrage industriel sur notre territoire, notamment à travers ses sites de Dunkerque et Fos-sur-Mer dans leur configuration actuelle. La consolidation de l’activité sur le site à Florange ne se fera pas au détriment d’autres activités similaires en France. Il s’y est engagé. La faible activité actuelle en Europe ne permet pas d’envisager un redémarrage des hauts fourneaux à court terme. Mais le Gouvernement a obtenu l’engagement du groupe de les maintenir dans un état qui permette, le moment venu, la réalisation d’un projet industriel d’avenir », poursuit M. Ayrault.

« C’est le projet ULCOS (lire nos articles précédents) : il s’agit de produire de l’acier de façon économe en énergie et plus respectueuse de l’environnement par la captation du CO2. L’Etat a déjà réservé 150M€ au sein du programme d’investissements d’avenir. Il est prêt à augmenter sa participation pour accompagner activement ce projet. ArcelorMittal a accepté de poursuivre les études engagées en ce sens. Le Gouvernement a ainsi démontré la capacité d’intervention de l’Etat afin de faire émerger des solutions positives en termes d’emploi, d’investissement et de projet industriel d’avenir. Et ce dans une filière pourtant affectée par une situation particulièrement difficile », ajoute le premier ministre.

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L'hiver dernier, le secrétaire de la CFDT François Chérèque s'était rendu à Florange pour rencontrer les sidérurgistes et les élus lorrains (ph SD ville de Florange)

« Ces engagements d’ArcelorMittal sont inconditionnels. Le gouvernement veillera à ce qu’ils soient respectés scrupuleusement. Il utilisera tous les moyens nécessaires en cas de non-respect », avertit M. Ayrault.

« Le gouvernement est donc intervenu pour assurer l’avenir industriel du site de Florange. Mais il s’agit aussi de préparer l’avenir d’une sidérurgie à la pointe de la technologie. Le projet ULCOS est un projet d’excellence industrielle et d’excellence environnementale. C’est un projet sur lequel l’Etat s’engage avec résolution aux côtés de la Lorraine. Je veux que la Lorraine, si souvent meurtrie dans son histoire industrielle, envisage à nouveau avec confiance son avenir. Je veux que, notamment avec ce projet, elle soit un exemple pour le renouveau industriel de la France, qui est au cœur du nouveau modèle français. Je rencontrerai prochainement les élus lorrains pour poursuivre avec eux le travail sur ce renouveau. Je veux leur rendre hommage, et je salue la détermination des salariés », explique le premier ministre.

La nationalisation provisoire pas retenue

« Le gouvernement n’a pas retenu l’hypothèse d’une nationalisation transitoire, qui a pu être évoquée ces derniers jours. Il a écarté cette solution au vu des engagements qu’il a obtenus d’ArcelorMittal. La nationalisation, c’est-à-dire l’expropriation par « nécessité publique », peut certes être nécessaire dans des circonstances historiques particulières ou pour sauvegarder des intérêts supérieurs de la Nation. Mais elle n’est pas efficace face à un problème de débouchés pour une entreprise ou face à un problème de compétitivité », reconnaît M. Ayrault.

Et d’ajouter qu’il « rappelle que le gouvernement a fait le choix du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Il s’agit d’une priorité nationale. C’est par ce Pacte que nous allons reconquérir la compétitivité que nous avons perdue depuis dix ans. C’est par la mobilisation de tous les acteurs, sur l’impulsion de l’Etat, que nous regagnerons des marchés, retrouverons le chemin de la croissance et gagnerons la bataille de l’emploi. Ma conception du rôle de l’Etat est qu’il doit animer, impulser, réguler l’activité économique, et protéger les intérêts stratégiques.
C’est pourquoi, il doit investir lui-même dans les projets d’avenir qui ne sont pas immédiatement rentables. C’est l’exemple d’ULCOS », poursuit M. Ayrault.

Renforcer la législation sur les OPA

« C’est pourquoi, il prendra autant que nécessaire des participations dans des entreprises stratégiques dont la survie serait en jeu, comme cela a été le cas avec Alstom. C’est pourquoi, il renforce la régulation des comportements des acteurs économiques et financiers. C’est le sens de la prochaine loi de séparation des activités bancaires, indispensable pour que la confiance revienne. Et le Ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, me fera des propositions pour renforcer la législation qui protège nos entreprises des OPA hostiles. Le gouvernement est au côté des salariés qui se battent pour l’emploi. Il est au côté des élus et des populations qui se battent pour le développement de leur territoire. Il est totalement mobilisé pour le renouveau industriel de la France et le redressement du pays », a conclu M. Ayrault.

La solution d’une reprise par un entrepreneur privé – lire nos articles précédents – soutenu par l’Etat a donc été écartée par le gouvernement et l’Elysée au bénéfice d’une nouvelle chance donnée au groupe ArcelorMittal de restaurer l’activité des 629 sidérurgistes de la phase à chaud de Florange en chômage partiel ou total depuis octobre 2011.

L'intersyndicale à Bercy ce vendredi

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L'intersyndicale de Florange l'hiver dernier lors d'une rencontre avec le prédécesseur d'Arnaud Montebourg, M. Eric Besson alors ministre de l'industrie (ph CJ MPE-Média)

L’intersyndicale de Florange montée à Paris cette semaine pour manifester devant l’Assemblée nationale mercredi occupait le parvis de Bercy et du ministère du redressement productif ce vendredi dans l’attente d’une solution qui s’avère radicalement différente de celle qu’évoquait encore hier avec eux le Ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, dont les services de presse n’ont pas communiqué à ce sujet ce vendredi soir. Le nouveau secrétaire général de la CFDT M. Laurent Berger était venu jeudi soir à la rencontre des sidérurgistes s'apprêtant à camper sur place et leur a exprimé son soutien.

La nationalisation du site de Florange avait soulevé des espoirs chez les sidérurgistes, mais plusieurs d’entre eux exprimaient des doutes dès mardi dernier : « J’ai le sentiment qu’on est en train de nous mener en bateau. Je suis écoeuré. Ils sont incapables de nous dire la vérité sur ce qui se passe », nous confiait un délégué de la CFDT de Florange en milieu de semaine. Le secrétaire de la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT Dominique Gillier a déclaré ce vendredi soir qu'il se demandait où était passé le repreneur mentionné par le gouvernement dans la semaine.

La CFE-CGC cité par nos confrères du Républicain Lorrain dit « douter encore de la viabilité économique du site, même pris dans sa totalité ».

Du coup, la relance des deux hauts-fourneaux lorrains mis en sommeil en 2011 attendra logiquement une éventuelle reprise de la demande d’acier en Europe dans un contexte où le premier client de Florange, l’industrie automobile, anticipe une nouvelle baisse des immatriculations de voitures neuves de près de 12% en 2013 après une forte baisse connue sur les onze premiers mois de 2012.

Christophe Journet


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Mis à jour (Mardi, 25 Octobre 2016 09:08)