PARIS (MPE-Média) – Accroître la compétitivité et l’attractivité des entreprises françaises dans le monde, telle était la question posée lors d’une réunion des chefs de service économique de la France à l’étranger et d’une palette de chefs d’entreprises exportatrices ce jeudi à Bercy. Eléments des discours entendus durant ces discussions.

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Laurence Parisot (MEDEF) a ouvert la rencontre en compagnie de l’économiste Daniel Cohen et du journaliste TV Jean-Paul Chapel, face aux acteurs publics et privés du développement à l’international (ph CJ MPE-Média)

Le sujet de la compétitivité des groupes et PMI-PME françaises dans le monde vallait bien à lui seul ce déplacement. Pour MPE-Média comme pour plusieurs centaines de cadres du Trésor français et des services économiques répartis dans toutes les grandes capitales du monde « pour appuyer le développement des entreprises françaises à l’étranger » - y compris les directeurs régionaux basés dans l’hexagone pour répondre localement aux demandes des compagnies.

Hormis quelques réflexions lumineuses, la tonalité d’ensemble du débat et des questions exposées montre bien que le chemin qui reste à parcourir pour gagner davantage de terrain à l’export – et devenir du même coup plus riche pour importer plus – demeure encore sensiblement plus long que celui qui, il faut le reconnaître, a déjà été parcouru par les entreprises françaises depuis le début du siècle en cours.

D’entrée de jeu, l’économiste Daniel Cohen avait placé la barre des échanges au plus haut – les très mauvaises langues diraient « d’une façon théorique et intellectuelle » - en expliquant comment nos économies sont passées d’une tendance mercantiliste voici deux siècles, à une tendance qu’il qualifie classiquement de « néo-mercantiliste », qu’il attribue au fait que « l’industrie flirte constamment avec la surproduction ».

 

« Celui qui produit plus oblige l’autre à se désindustrialiser »

« Le produit de ce que nous consommons perd constamment de sa valeur. Celui qui produit plus que les autres va chasser l’autre et l’obliger à se désindustrialiser. Celui qui reste va industrialiser et va bénéficier d’une croissance plus forte que les autres », a expliqué M. Cohen répondant à ses interlocuteurs encore un rien sceptiques.

M. Cohen parle distinctement « d’une situation d’excès d’offre chronique qui crée les problèmes actuels de l’industrie automobile et de quelques autres » - le parallèle avec la sidérurgie s’impose NDLR.

Mais l’important est d’en bien mesurer les conséquences économiques en retour : « Ce qui compte, c’est ce que vous exportez, et où vous exportez », souligne Daniel Cohen qui illustre : « l’Allemagne a un excédent commercial supérieur à celui de la Chine. La France a un déficit commercial qui représente près de 2,5% de son produit intérieur brut (PIB). Le danger réside dans l’écart entre les performances des pays européens, qui crée des déséquilibres en interne entre eux , bien plus que dans le fait que l’Europe, ensemble, n’a pas à rougir de sa performance», estime M. Cohen.

 

La fiscalité des entreprises les freine toujours à l’export

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GD : Jean-Paul Chapel (France2), Laurence Parisot (MEDEF), Daniel Cohen (ph CJ MPE-Média)

Mme Laurence Parisot, Présidente du MEDEF a concentré quant à elle son propos sur les obstacles à effacer pour que les entreprises françaises soient mieux placées dans le contexte mondial, notamment « à cause de la fiscalité des entreprises ». La Présidente du Mouvement des Entreprises de France a préconisé « la mise en place d’une gouvernance de la politique française en la matière pour avoir partout les mêmes règles du jeu, pour pouvoir bénéficier dans chaque pays des mêmes soutiens de la France ». Mme Parisot a aussi rappelé qu’elle avait aussi proposé récemment à son homologue allemand « l’idée d’accepter un SMIC pour l’Allemagne », afin que les deux pays jouent à armes égales sur le plan des coûts à l’exportation.

Cette question des différences de salaires et de choix de réponse des gouvernants confrontés à ces demandes demeure sensible au sein de la zone euro. En témoigne une remarque faite aux intervenants par M. Jean-Marie Demange, Ministre conseiller pour les Affaires financières et économiques en poste à l’Ambassade de France à Berlin, à propos du différentiel entre l’Allemagne et la France : « Les salaires allemands ont effectivement augmenté de 2,5 à 3,5% ces dernières années, notamment grâce aux interventions directes des dirigeants allemands et de la Chancelière Mme Angela Merkel dans ce dossier, contrairement à ce qui se passe en France », a déclaré M. Demange.

Concernant l’entrée prochaine de la Chine au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce, Mme Parisot a noté que « l’échéance de 2016 arrive vite : si la Chine acquiert le statut d’économie de marché, que se passera-t-il », a-t-elle demandé.

« Aurons-nous plus d’atouts pour dénoncer l’aspect déloylal des pratiques commerciales chinoises, ou ce statut va-t-il permettre à la Chine de nous déstabiliser encore plus sur le plan de nos échanges commerciaux internationaux », a insisté Mme Parisot, qui demande aux acteurs de l’Etat de ne pas oublier que « la mondialisation pour la France, c’est être capable d’exporter mais aussi d’importer. Depuis les années 2000, le taux d’ouverture de la France comparé à son PIB s’est aussi dégradé, en même temps que sa balance commerciale extérieure, pendant que le taux d’ouverture de nos principaux voisins allemands et anglais a grandi », a relevé la Présidente du MEDEF.

 

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(ph CJ MPE-Média)

« Un acte stratégique majeur » selon Mme Bricq

Se félicitant d’abord de la conclusion récente de l’accord général recadrant les liens de l’Etat avec les partenaires sociaux, Mme Nicole Bricq, Ministre du Commerce Extérieur a mis en avant « un acte stratégique majeur, la mise en place de la Banque Publique d’Investissement qui a lieu ces jours-ci et qui disposera d’un volant d’action international et qui aura des développements en région ». La Ministre du Commerce Extérieur dit avoir « réorganisé l’export à l’international et en région », soulignant aussi que « l’acte III du développement économique concernera précisément le rôle des régions et leurs compétences à l’international ».

47 pays jugés prioritaires ont été choisis et 4 priorités définies pour l’aide de l’Etat à l’exportation. Ces 4 priorités sont les productions et innovations exportées répondant aux questions visant à « mieux se nourrir, mieux se soigner, mieux vivre en ville – incluant l’ingéniérie, la construction, l’efficacité énergétique, l’environnement, les transports – et le mieux communiquer », a déclaré Mme Bricq, d’accord sur ce point avec les autres intervenants.

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Table ronde « compétitivité et attractivité » avec (GD) Mme Clara Gaymard (GE), M. Arnaud Montebourg (Ministre RP), Mme Nicole Bricq (Ministre CE), MM. Jean-Luc Beylat (Pdt Sestem@tic), David Appia (Pdt de l’agence française pour les investissements internationaux, Jean-Paul Chapel (France2 – ph CJ MPE-Média)

Le Ministre du Redressement Productif M. Daniel Montebourg intervenait aussi ce jeudi en table ronde sur ce thème et face au même public mixte de hauts fonctionnaires et d’entrepreneurs. Il a soutenu à la fois le Crédit impôt recherche et la recherche d’une action plus solidaire de l’Etat et des entreprises à l’international, mais aussi une meilleure défense des intérêts français en France. Mais M. Montebourg n’a pas résisté à lancer une nouvelle charge contre le PDG du géant mondial de l’acier ArcelorMittal M. Lakshmi Mittal, toujours meurtri par le changement de cap de Matignon et de l’Elysée après sa proposition de renationaliser Florange à la fin 2012.

«M. Mittal a fait une OPA hostile que nous aurions mieux fait de bloquer. Je ne dit pas ça parce que M. Mittal est un citoyen installé à Londres mais parce qu’il s’est mal comporté avec nous. Il n‘y aura plus d’OPA hostile à l’avenir, nous allons faire une loi à ce sujet avec Pierre Moscovici. La France n’est pas un petit canton suisse comme le prétend Alain Minc, perdu dans l’océan de la mondialisation », a déclaré le Ministre du Redressement Productif face aux cadres du Trésor.

 

Une pointe d’humour

Seule à faire franchement rire l’asssemblée et à la détendre dans le contexte, Mme Clara Gaymard, Présidente de General Electric (GE) France a tranché sur les propos précédents les siens en s’adressant d’abord « aux amis présents dans la salle » et en rappelant que l’important était de « relancer la cote d’amour de la France » à l’étranger, « un peu comme l’a fait le Ministre du RP en posant en pull marin dans la presse ». Mme Gaymard a précisé que son groupe ne connaissait pas de problème particulier dans le monde, à partir du moment où ses relations clients à l’international étaient fondé sur le plus grand respect des contrats posés. Mais aussi sur l’innovation et la qualification de l’offre dans le domaine des énergies.

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Mme Gaymard (à gauche) porte un regard très critique sur nos confrères anglo-saxons et sur la façon dont ils parlent de l’économie et des entreprises françaises à l’étranger (ph CJ MPE-Média)

« La presse économique anglo-saxonne a mis à la Une Gérard Depardieu serrant la main à M. Poutine pour nous ridiculiser, mais les choses importantes qui concernent la France et ses produits n’y sont pas relayées correctement. Le monde va à une vitesse incroyable et nous avons des procédés et des règles qui nous imposent une lenteur incroyable là où nous avons besoin d’aller vite », a continué Mme Gaymard, décrivant des exemples concrets de projets très innovants réussis à l’international – notamment pour l’export de matériels chirurgicaux de pointe – dont ces médias ne parlent pas.

Ainsi, une demande récente de subventions exprimée par GE pour un projet global innovant s’est-il vu imposer un délai administratif de six semaines, illustre Mme Gaymard qui a exprimé le souhait que l’Etat améliore sa propre réactivité « parce que nous sommes dans un contexte de guerre économique. Et pour cela, il faut faire tomber les préjugés », a conclu Mme Gaymard avant de céder la parole à d’autres intervenants puis au Ministre de l’Economie et des Finances M. Moscovici.

Mme Bricq a annoncé qu’elle part la semaine prochaine en Chine en compagnie d’une délégation d’entrepreneurs pour y défendre et tenter de vendre les produits français. La Ministre a annoncé que le Président de la République abordera la question de la réciprocité des échanges commerciaux internationaux lors du prochain sommet du G8 : « nous avançons avec le Japon ces jours-ci mais beaucoup de choses règlent à régler ailleurs », a-t-elle précisé.

En marge de la réunion, les chefs d’entreprises présents exprimaient leur satisfaction d’être associés par le gouvernement à ces travaux et au projet français d’exporter plus et mieux. Mais ils attendent visiblement des mesures rapides pour leur faciliter les choses sur le plan des dossiers et des procédures à suivre et également tout simplement une « reconnaissance de la qualité déjà présente dans les produits français à l’export », nous a confié le Directeur commercial global d’un groupe proposant des solutions météorologiques dont le slogan est : « With you for weather ». De là à « For ever », il n’y a qu’un pas, celui que Nicole Bricq et le gouvernement aimeraient permettre aux promoteurs du made in France de faire dès que possible.

 

Christophe Journet

Plus de détails concernant les mesures et les chiffres via :

www.commerce-extérieur.gouv.fr

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Mis à jour (Mardi, 25 Octobre 2016 10:37)